L'Existrans puis Beigbeder
Samedi 15 octobre, le collectif Existrans organisait la vingtième marche de leur histoire pour défendre les droits des trans et des intersexes. Cinq jours plus tard, dans sa chronique sur France Inter, Frédéric Beigbeder racontait qu’il était tombé au Bois de Boulogne sur une artiste de la FIAC, en réalité un "travesti", périphrasé ainsi : "une charmante dame avec une voix grave et un accent latino-américain"... Tout le plateau était plié de rire. Le service public se bolloréïserait-t-il ?
Qui a peur de la grande méchante Manif pour tous ?
En 2013, l'association SOS homophobie enregistrait une hausse sans précédent du nombre de témoignages d’actes LGBTphobes. Dans le contexte des débats sur le mariage pour tous-toutes, la parole homophobe refoulait du goulot, les victimes ne se taisaient plus. L'heure était grave. La loi Taubira n'avait pas encore été votée.
Dimanche dernier, la Manif pour Tous - qui en cette période de primaires se rappelait à nos mauvais souvenirs - jouait des coudes entre la Porte Dauphine et le Trocadéro : soit 18 minutes à pied - 21 minutes si l'on passe par la rue des Belles feuilles - pareil en métro, 7 minutes en vélo ou en voiture (en voiture à pédales ?), 24 minutes en bus. Tu parles d'une expédition ! Alors pour faire durer le plaisir, rien de mieux que de marcher au pas, les gosses ceinturés autour des hanches. Seulement voilà. Si les slogans restent les mêmes du côté des culs-bénits, la presse a changé de ton. LMPT devient fréquentable. Ou plutôt on ne s'en fait plus jeter. Alors on rit on ironise alors on danse. C'est un peu le titre de l'article de Charlotte de Bruges, paru dans Brain magazine. C'est raconté drôle et un peu comme on se l'imagine tant, et si bien, qu'on en viendrait à croire que le réel n'est que son cliché. Adrien Rohard donnait aussi de son dimanche après-midi pour la bonne cause. Et ma foi, le garçon un tantinet goguenard, avait l'air d'y trouver son conte.
Alors, qui a (encore) peur de la grande méchante Manif pour tous ? Plus personne en vérité. Il n'y a plus guère que dans la famille la Rochère que ça fout la merde, comme l'atteste la tribune de Cécile Dutheil de La Rochère, la belle-soeur de Ludovine, qui dans une tribune du Monde, datée du 18 octobre, disait avoir honte de porter un nom aussi réac. "Tu seras puni par là où tu as péché", voilà, fallait bien que ça arrive, hein la famille pour tous ?
Ardisson et les enculés
Dans Salut les Terriens, le 22 octobre, Thierry Ardisson a balancé le nom du photographe qui a violé l'animatrice Flavie Flament quand elle avait 13 ans. Ensuite, les yeux dans les yeux de la caméra, il a prononcé, sur un ton solennel, une injure qui vaut excommunication "Il a aujourd'hui 83 ans, j'sais pas s'il regarde la télé mais t'es un bel enculé, connard." Je passe sur l'anacoluthe, vice langagier qui a de la gueule. En revanche, juste un truc, histoire d'éviter les raccourcis à la Manif pour tous : un homme qui viole des gamines de 13 ans, ça s'appelle pas un "enculé" mais un pédo-criminel. Après, on s'étonnera de certaines confusions.
Le vidéo club du Marais
Je l'écrivais l'année dernière : En vingt ans, le Marais est passé d’un ghetto identitaire à un ghetto supermarketisé. Comme sur la rive gauche, à Saint-Germain-des-Prés, les marchands viennent vendre leurs habits en librairie. Les associations d’hier luttant contre le VIH dénoncent aujourd'hui la contamination du quartier par le BHV. Le paradis du bricoleur, coiffé d’un rooftop, a été rebaptisé - labellisé, étiqueté - "BHV-Marais". L’enseigne a colonisé les rues des Archives, de la Verrerie et du Temple, avec ses magasins pour les hommes, leurs toutous, les sportifs, les motards, les cyclistes. Un vaste tout-commercial à ciel ouvert qui a essaimé ses miasmes jusqu’au nord-est du quartier, du côté de la rue de Bretagne et du boulevard Beaumarchais – la « périphérie » du Marais comme disaient il y a peu encore certaines goudous snobinardes du bas de la rue des Archives. Aujourd'hui c'est le vidéo club du Marais, rue de Poitou, qui va être obligé de mettre la clé sous le paillasson, à cause d'une hausse de loyer démentielle. Un des quatre derniers vidéoclubs de Paris.
J'ai vu et revu grâce à eux Shortbus, tout Céline Sciamma, tout John Waters, L Word, Dolan, Fassbinder, L'incompris de Comencini que l'on ne trouvait nulle part ailleurs... L'institution du quartier avant même le musée Picasso et le café du Progrès (que l'on dit vendu bientôt à Chanel boutique beauté )
La sape sape l'esprit du quartier, selon la formule heureuse de ma chérie.
Signons la pétition pour que le maire d'arrondissement Pierre Aidenbaum sauve l'un des poumons du quartier. C'est ici, sur Change.org. A vot'bon cœur messieurs-dames.
La sarkonnerie de la semaine
"Mon électorat est populaire. Ce sont des ploucs" aurait déclaré Nicolas Sarkozy lors d'un déjeuner le 18 octobre avec l'AFP. Ce qu'il nie. En même temps, si c'était vrai, ça nous permettrait de comprendre sa sortie sur les profs, sortie qui a engendré le groupe sur Facebook, nommé" les 800 000 feignasses". Moi je dis merci à Sarkozy pour la pub faite à cette planque qu'est le métier de prof : quand on saura qu'en 2016, après les résultats d'admission aux concours du CAPES et de l'Agrégation, de très nombreux postes dans plusieurs disciplines (lettres classiques et modernes, mathématiques, anglais, allemand…) n'étaient pas pourvus, on peut recommencer à espérer. Glandeurs glandeuses de tous pays unissons-nous.