Les 49 victimes de l'attentat homophobe de dimanche matin ne sont même pas encore toutes identifiées que reprennent, comme pour les agressions de Cologne lors de la nuit de la Saint-Sylvestre, les mêmes débats manichéens, partisans et stériles : pour certains de nos Croisés, les LGBT, comme ils disent, souffriraient d'une forme de "perversité idéologique" qui consisterait à minimiser la composante religieuse de la tuerie de masse perpétrée au Pulse, une boîte gay d'Orlando.
Déjà, les LGBT, comme ils disent, attendent les résultats de l'enquête menée par le FBI. Ensuite les LGBT, comme ils disent, sont mieux placé-e-s que quiconque pour savoir où ils n'iraient pas passer leurs vacances s'ils/ si elles veulent se rouler des pelles au vu et au su de tout le monde. Si bien placé-e-s d'ailleurs qu'une partie de l'électorat elgébétique est de plus en plus tentée par un vote en faveur de partis xénophobes.
Ce que les LGBT, comme ils disent, ne peuvent pas admettre, c'est cet opportunisme politique odieux qui consiste à dénoncer l'homophobie seulement quand elle sert les intérêts de sa paroisse.
L'homophobie est condamnable chez tous et toutes. Il n' y a pas de degrés dans l'homophobie. On n'est pas un peu beaucoup passionnément à la folie homophobe. On est homophobe ou on ne l'est pas. La seule variante, ce sont les manifestations prises par le rejet et la haine des gays, des lesbiennes, des trans et des intersexes.
Ici, ils/elles seront tabassé-e-s à la sortie d'un bar ou d'une boîte de nuit, là-bas ils/elles seront lynché-e-s ou poignardé-e-s lors des Pride. Une autre fois, ce sera un gay, une lesbienne, un trans qui se donnera la mort parce qu'il/elle a été chassé-e de chez lui / de chez elle en raison de ses inclinations. Ce sera aussi la violence générée par celui ou celle qui, sous l'emprise d'une culture de l'homophobie, a refoulé ses désirs et s'est refusé-e à vivre son homosexualité.
Entre les politiques qui hurlent "les pédés au bûcher, les goudous à l'égout" ou déclarent que "l'homosexualité est une abomination" et le(s) terroriste(s) qui vont entrer à 2 heures du mat dans une boîte de nuit, armé-s jusqu'aux dents, pour dézinguer tout ce qui bouge, il n'y a toujours que de l'homophobie.
Ce que je refuse, c'est que sous prétexte de combattre l'homophobie, on attise la haine de certains-es à l'endroit des musulman-e-s. Ce qui ne m'empêche pas de condamner l'islamisme. (Pour bien me faire comprendre, c'est comme si, parce qu'il y "aurait" des prêtres pédophiles dans l'église catholique, j'en déduisais que tous les prêtres et tous les catholiques étaient pédophiles, ce serait un truc de ouf, non ?)
Je condamne tous les intégrismes, tous ces intégrismes qui n'aiment pas que les gens s'amusent et s'aiment tels qu'ils l'entendent. Et pour cause : les intégrismes ont cela en commun qu'ils reposent tous sur l'exploitation de la frustration née de la répression des désirs sexuels. Je vous fiche mon billet que si on pouvait baiser comme on veut, où l'on veut et avec qui l'on veut, les docteurs ès religions seraient au chômage technique.
L'homophobie est politique. Elle doit être combattue sur le terrain du politique, et non pas instrumentalisée par une politique politicienne et tacticienne. Ainsi j'attends que Marine Le Pen ou la Manif pour tous balaient devant leur paroisse - et il y a à faire - avec le même empressement que celui qu'elles ont mis à jouer les pleureuses au chevet des victimes du Pulse. Pour l'heure, j'en suis restée à la sortie du porte-parole de LMPT, en septembre dernier, qui parlait dans la presse du « lobby gay » comme du « Daech de la pensée unique ».
L'homophobie tue. On n'arrête pas de vous le répéter. Depuis 20 ans, SOS homophobie noircit des pages entières d'horreurs et de violences infligées au LGBT comme ils disent.
Les LGBTQIphobies, parce qu'elles tuent, sont à combattre partout et sans cesse. Mieux : il est urgent de s'engager contre cette culture de l'homophobie, culture à l'oeuvre dans les cortèges des manifestations, à l'Assemblée, au Congrès, à l'école, dans la rue, dans les familles, sur les réseaux sociaux, dans les prêches des intégristes. Culture de l'homophobie qui, lorsqu'elle ne procède pas de l'injure, de l'humiliation, de la violence, fait son nid dans l'invisibilisation. Pour l'heure, Twitter et Facebook, dieux de la Silicon Valley, ne semblent pas pressés de condamner les tweets et les posts haineux à l'endroit des gays ; pour l'heure, l'Arabie Saoudite ne fait plus partie de la liste noire de l'ONU ; pour l'heure, l'UEFA ne prévoit pas de rendre un hommage aux victimes d'Orlando, pour l'heure les manchettes des journaux continuent à omettre le mobile homophobe de l'attentat. Pour l'heure, nous vivons toujours, le 13 juin 2016, 42 heures après l'attentat homophobe d'Orlando, dans une culture de l'homophobie.