La semaine dernière, Robert Ménard sifflait le coup d'envoi de ses "rendez-vous de Béziers", petite sauterie politique entre gens de bien étranges compagnies. A l'issue de ces trois jours, le maire de Béziers sortait de son chapeau une série de propositions de "salut public pour le quinquennat à venir" : 51 propositions en tout, bases du mouvement ménardien baptisé "Oz ta droite".
Le week-end avait porté conseil : certaines propositions présentes dans les documents de travail distribués vendredi s'étaient volatilisées : au revoir l' "interdiction de la propagande en faveur de l'homosexualité et de la théorie des genres", bonjour à l'"abrogation de la loi Taubira sur le mariage homosexuel sans rétroactivité" et au recentrage "des programmes des petites écoles sur l’apprentissage des bases : lire, écrire, compter, connaître l’histoire et la géographie de la France, de l’Europe et du monde dans cet ordre." Il est fort le magicien d'Oz:) Sans doute le mot de "propagande" sonnait-il trop poutinesque pour être honnête. Et puis pas question de se mettre à dos un électorat gay mouvant, tenté par l'ultra droite.
"Propagande", "prosélytisme". Vocables politico-religieux qui appartiennent tous les deux à l'appareil rhétorique de la haine à l'endroit des orientations sexuelles et des identités de genre différant de celles promues par la société hétérosexiste. Dans son livre, Le "mariage" des homosexuels : CUCS, PICS, PACS et autres projets législatifs, Christine Boutin parle d'adeptes de l'homosexualité", de "culte homosexuel", de "propagande homosexuelle". Les deux mots ravalent les homosexuels-les à une nébuleuse aux tentacules souterraines, à une secte d'initié-e-s là pour corrompre les moeurs et les dénaturer, là pour prendre le pouvoir et exploiter la terre entière. Des confréries et ces consoeuries desquelles il vaut mieux "en être" si on ne veut pas mal finir. Ben oui, c'est vrai, on ne parle pas assez de toutes ces exécutions d'hommes et de femmes condamné-e-s à la corde ou au bûcher parce qu'ils/elles vivent et couchent avec des gens d'un autre sexe que le leur.
Les termes de "propagande" et de "prosélytisme" homosexuel sont récurrents dans tous les régimes autoritaires, nationalistes, policiers. Quoi d'étonnant ? On ne parle bien que de ce qu'on connaît. C'est si facile de projeter sur l'autre ce que l'on aimerait toujours cacher chez soi. Ils font partie des mots-totem d'une culture dominante. A qui viendrait l'idée de parler de propagande en faveur de l'hétérosexualité ? Pourtant qu'apprend-on d'autre à l'école, dans la rue, au cinéma, qui ne soit empreint de représentations hétérosexuées ? Si l'hétérosexualité est naturelle, comme ils disent, pourquoi nous bassiner dès le plus jeune âge avec des histoires de princes et de princesses et nous infliger des signalétiques de couleur pour être sûr qu'on ne se trompe pas ni de jouets ni de vêtements ? A quand un parti qui militerait contre la propagande en faveur de l'hétérosexualité ?
Dernière chose avant que je m'en aille retrouver les miens et les miennes pour la grande bacchanale du vendredi soir : notons que le Robert et les siens n'ont pas OZer inscrire dans leurs propositions finales le mot de "propagande". Entre deux sacrifices d'enfants prépubères et des libations de sang de licorne où nous refaisons le monde à notre sauce, nous ne manquerons pas de le saluer.