Fut un temps à Cannes où le badaud vivait au bord du tapis rouge le plus beau jour de sa vie. SA star était presque à portée de main. Le parfum de la célébrité le grisait, l'apoplexie le guettait. Depuis quelques années, il a été renvoyé backroom, sur le trottoir d'en face, vue imprenable sur les dos des grimpeurs et des grimpeuses de marche. En lieu et place de mon badaud et de ma badaude, des photographes ensmokingés, avec leurs téléobjectifs flasheurs, et sur le "red carpet" (faut reconnaître que ça sonne moins franchouillard que "tapis rouge"), des stars, des actrices et des poupées mannequins, téléguidées par L'Oréal, la boîte de mamie Bettencourt. On reconnaît ces dernières à leurs vêtements de peau, autrefois appelés "robes", et à leur rouge à lèvres bleu.
La mannequin l'Oréal est au festival de Cannes ce que le trou normand est aux repas de mariage. Une pause digestive. D'abord on trépigne à l'entrée du tapis en attendant que son heure vienne. A l'appel de son nom, on se met en branle, sur le tapis pas roulant, mais on roule des mécaniques, les mains sur les hanches. On tourne sur soi-même, un coup à gauche, un coup à droite, photographiée sous toutes les coutures d'une robe qui n'en a plus. Robe drap passée avec la nonchalance de l'apprêté.
Les femmes qui ont voulu se donner un autre genre que le style "Oups j'ai mis une robe mais je me demande pourquoi" ont eu l'élégance de paraître en smoking.
Ce qui n'a pas d'ailleurs pas empêché le décolleté d'être troublant (Voir ci-dessous) tout en gommant l'effet "J'ai fait don de mon corps à l'Oréal, et de mon coeur à Chopard). De mon côté je rêve d'un prix d'interprétation féminine smoking, un smoking vert par exemple pour Isabelle Huppert.
P.S On me souffle à l'instant dans l'oreillette qu'il existe même des gens qui s'habillent à peine pour monter les marches et les redescendre, sans avoir assisté à la moindre projection. Moi je dis que la 70eme édition du festival de Cannes devrait être un festival de robes et non de films. Tout serait plus clair.