En ces fêtes de Pâques, le pape François n'a pas chômé. Jeudi, à Rome, à genoux, christique, il a lavé, essuyé et embrassé les pieds de onze migrants de toutes les confessions. Vendredi, au terme du chemin de croix au Colisée, il a dénoncé dans une prière la trahison des prêtres pédophiles qui « dépouillent les innocents de leur dignité ». Dimanche, du haut de la loggia de la basilique Saint-Pierre, dans sa bénédiction dite "urbi et orbi", il a appelé à la concorde des peuples partout où la guerre et la terreur ensanglantent le monde, il a appelé aussi à la "tendresse" et à la "compassion" envers "les affamés et les assoiffés, les étrangers et les prisonniers, les marginaux et les exclus, les victimes des abus et de la violence", soulignant que "le monde est rempli de personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit."
Le pape François est un saint homme. Un saint homme qui a eu un mot, une pensée, un geste pour tous et toutes, pour les victimes de pédo-criminalité, pour les victimes de violences conjugales, pour les victimes du racisme, du fondamentalisme et du terrorisme, pour les victimes des catastrophes naturelles, de la mauvaiseté du climat et de l'âge. Pour tous et toutes sauf de manière claire et audible pour les lesbiennes, pour les gays, pour les bisexuels/les et les transgenres qui, "urbi et orbi", sont emprisonné-e-s, torturé-e-s, condamné-e-s aux travaux forcés ou à la peine de mort en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Le pape François est un saint homme qui a le cul entre deux chaires, posture bien peu évangélique.
Pour le Jésus des Chrétiens, tous les êtres humains ne sont-ils pas les enfants d’un même Père ? Tous et toutes frères et soeurs ? En proclamant le respect égal dû à chaque être humain, ce Jésus-là n'est-il pas universaliste ? En rupture avec la morale de son temps qui ne reconnaissait son/sa prochain-e que parmi ceux et celles de son clan, de sa caste, de sa tribu ? Jésus a hissé au premier plan les humbles, les exclus, les laissés-pour-compte, refusant les distinctions entre les purs et les impurs, les païens et les fidèles. Il a aboli les frontières et les différences liées à l’âge, au statut, au sexe, à l’appartenance ethnique. L’autre est "son prochain"/"sa prochaine", son/sa semblable, son avenir.
Selon l'évangile de saint Luc, quand le légiste lui a demandé qui il devait considérer comme son prochain, Jésus ne lui a pas répondu par une énumération mais par une parabole : un homme se rendant depuis Jérusalem à Jéricho est roué de coups par des brigands qui le laissent à l'agonie sur le bord de la route. Un prêtre puis un lévite passant par là font comme s'ils ne le voyaient pas, par peur de commettre un geste coupable : " Celui qui touche un cadavre sera impur pendant sept jours" (Nombres 19-11). C'est un Samaritain, considéré par les deux hommes précédents comme un étranger, un hérétique, un mécréant, qui va bander les plaies du mourant, le charger sur sa monture et le mener à l'hôtellerie la plus proche pour le soigner.
Plus que mon/ma semblable, celui/celle qui me ressemble", "mon prochain"/ "ma prochaine" c'est l'autre pour lequel/laquelle je commets un acte de miséricorde, quel que soit le jugement que j'encours, simplement parce qu'il/elle est comme moi, une créature d'essence divine.
Après les sept jours de la Passion du Christ marqués par les attentats de Bruxelles, d'Al-Asriya (Irak) et de Lahore (Pakistan), frappant l'humanité dans ses enfances, le jour de la Résurrection ne se doit-il pas d'être le premier jour d'une nouvelle semaine, inaugurant un temps nouveau de paix et de joie ?
Il est grand temps alors que l'église catholique se mette à l'heure d'été. Pâques, temps de célébration de la Résurrection du Christ, célébrant, selon le sens étymologique du mot, le passage d'un état à un autre, devrait aussi être le passage d'un église exclusive à une église inclusive. Une église pour tous.