La nouvelle a fait le tour des rédactions Papier et Web. Le 20 août dernier, le tribunal de grande instance de Tours a ordonné la rectification de l’état civil d’une personne née avec une « ambiguïté sexuelle ». Ce qui donne sur le papier la substitution de la mention « sexe masculin » par celle de «sexe neutre ». Drôle de télescopage à l’heure où les intersexes et les transsexuels-les défilaient samedi dans les rues de Paris, entre la place Stalingrad et la place du Châtelet.
Malgré la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) en 1992, malgré les propositions de loi présentées à l’Assemblée et jamais adoptées – la dernière date du 6 octobre – l’Etat français ne se résout toujours pas à en finir avec cet amalgame institutionnalisé par le droit : Tu es du genre de ce que tu as entre les jambes. Homme si tu as une bite et des couilles, femme si tu as un vagin, de sexe neutre (au sens étymologique « ni l’un ni l’autre » ) si tu as, selon l’expression reprise à l’envi par les journalistes « un vagin rudimentaire » et « un micro-pénis, sans testicules ».
Alors que dans de nombreux pays, la demande de changement d’état civil est d’une simplicité évangélique – en Argentine, à Malte, au Danemark, en Norvège - en France c’est un chemin de croix. La procédure, encadrée par la jurisprudence, la médecine et la psychiatrie, est traumatisante et inhumaine. Décidée par la Cour de cassation, la modification de l’état civil du / de la requérant-e n’est acceptée qu'à condition de "traitements médicaux et chirurgicaux de sorte qu'il ne possède plus les caractéristiques de son sexe d’origine."
« Les caractéristiques de son sexe d’origine » On goûtera le vague de la formulation et l’arbitraire que ce flou artistique entraîne.
C’est ainsi qu’en France de nombreux-ses transsexuels-les sont sans-papiers.
Parce qu’en France notre identité est une affaire d’Etat.
Alors que le droit à la vie privée devrait permettre à quiconque le souhaite de faire modifier son état civil, le principe d’« indisponibilité des personnes », issu du code Napoléon et destiné à empêcher les conscrits de la Grande Armée de s’automutiler pour éviter l’enrôlement, assigne de nombreux-ses transsexuels-les à demeurer avec une identité qui n’est pas la leur. Assignés-ées à un destin par leur sexe anatomique. Longtemps, ce même code Napoléon, qui a inspiré les droits civils dans de nombreuses démocraties, avait consacré l’infériorité de la femme, « mineure civile » quand elle était mariée, étrangeté quand elle demeurait célibataire.
En France, il n’y a pas de Schengen de l’identité. Nous ne sommes pas libres de traverser les frontières des sexes, confondus avec notre genre. C’est la loi qui décide de ce dont nous devrions être les seuls-es juges.
Crédit photo : Marie Rouge
On peut se réjouir de la décision du TGI de Tours : elle va dans le sens de l’humain. Cette distinction entre le masculin et le féminin est si restrictive et discriminante. La diversité et la variété sont de nature, le binaire de culture. Non au 2.0 quand on parle d’humain. L’humain qui ne sera atteint que lorsque aura été supprimée des actes de naissance la mention de « sexe », de la même manière qu’ont disparu les mentions de «race» et de «religion».
Parce que si tant est qu’il y ait trois sexes, il existe une multitude de genres. A chacun-e le sien. Le seul moment de notre vie où ce que nous avons entre les jambes a son importance, c’est quand il s’agit de nous reproduire.
Nous sommes beaucoup à transcender notre sexe de naissance qui, à en croire les tenants essentialistes d’un déterminisme biologique, déciderait de notre manière de penser, d’aimer, de sentir, de nous accomplir. Ce que nous sommes, dans sa diversité, ne devrait pas être source de tiraillements et de conflits mais de richesse et d'énergie à partager.
Ces derniers jours, les manchettes des journaux ont pris un tour interrogatif : le sexe neutre, un nouveau genre ? Aux Etats-Unis, depuis le début de l’année 2014, les utilisateurs-utilisatrices de Facebook ont la possibilité de choisir parmi une cinquantaine d’identités de genre. Brielle Harrison, à l’origine du projet, sait de quoi elle parle. Elle est transsexuelle.