"Toutes les folles ne sont pas au front"

Cette affiche, conçue par l’association messine « Couleurs gaies », a la saveur des pastilles Vichy et des vrais roudoudous qui nous niquaient les dents, comme chantait l’autre. Sur fond d’actualité – la médiatisation des gays au FN – c’est à une journée du souvenir qu’elle nous convie le 13 juin prochain . Un devoir de mémoire rappelé à nous tous/toutes mais aussi à ces trois élus interpelés par leur prénom, en signe de connivence, comme au bon vieux temps.

- Le bon vieux temps où une association comme Act-Up ne reculait devant aucune provocation ni aucune opération « coup de poing » - les zaps - pour rappeler à la société française que des hommes et des femmes crevaient d’aimer, délaissé-e-s par les pouvoirs publics. La capote sur l’obélisque de la Concorde en 1993, les kiss-in, l’outing en 1999 d’un garçon aimant les garçons et défilant en tête d’un cortège anti-PACS, aux côtés de personnalités politiques franchement hostiles aux homosexuels/les.

- Le bon vieux temps des Seventies, quand le Front homosexuel d’Action révolutionnaire (FHAR), qui avait fait du coming-out la pierre de touche du mouvement de libération homosexuel, accusait Arcadie, le groupe homophile de la rue du Château-d’Eau, présidé par l’ancien séminariste André Baudry, d’inaction politique. De l’autre côté, le Arcadiens condamnaient les "folles" et ce qu’ils considéraient comme « des excentricités homosexuelles », dénonçaient ce qu’ils nommaient le « ghetto homosexuel », prônant l’assimilationnisme et le droit à l’indifférence.

- Le bon vieux temps où l’une des stratégies mises en œuvre par les homosexuels/les pour supporter l’opprobre et l’insulte, consistait à reprendre à leur compte les mots-crachats et à en jouer :  pédé, gouine, folle, pédale, tante… et folle bien sûr.

- Le bon vieux temps où la botte nazie – botte devenue l’incarnation de tous les totalitarismes - piétinait tout sur son passage, le bon vieux temps de la déportation de milliers d’hommes et de femmes parce qu’ils/elles étaient homosexuels/les.

Le plus drôle de l’histoire, c’est d’assister, en témoin silencieuse, à l’émoi suscité par cette affiche chez ceux et celles qui justement se disent nostalgiques du bon vieux temps, ce bon vieux temps de la « France aux Français » - Français blancs, hétérosexuels, pères de famille catholiques et patriotes :

- L’émoi de Fabien Engelmann, le maire FN de Hayange, qui n’a pas apprécié que lui soit réservée la primeur de cette banderole lors du défilé commémoratif 8 mai dernier.

- L’émoi des militants et des sympathisants de l’extrême-droite française. Emoi source de scissions entre les patriotes – les "French friendly" selon l’expression philiponnienne – qui prétendent se ficher de l’orientation sexuelle de leurs candidats (et de leurs candidates au fait ?) – et les identitaires, ceux-là et celles-là qui se revendiquent « fds », comme ils l’abrègent, « français de souche ». Sur le site fdesouche, la discussion a vite tourné à la foire d’empoigne entre les premiers et les seconds. A l’heure où s’achève ce papier 202 commentaires ont été postés. Le plus apprécié d’entre eux, signé Porcépique, a recueilli 40 like. Porcépique, qui s’y connaît en perversions sexuelles, a tranché :

« Il suffit de lire les commentaires de ce genre d’article pour réaliser à quel point le « FN normalisé » sauce marinette arrive à siphonner toutes les mouches à merde gauchistes (électoralisme oblige) qui, face au torrent de déchets mahométans qui se déverse en Frônze, commencent à se chier dessus quant à l’intégrité de leur slip et du devenir de leurs droits dégueulasses qu’ils ont obtenus de la Raie au fil des décennies par leur militantisme acharné dépravé antichrétien. »

Pour lui (elle ?), les « paydays », à côté des féministes (mot très souvent synonyme sur ce site de « lesbienne ») «ont complètement dévasté la société à coups de logorrhées abjectes et débiles, et de lois iniques et liberticides. » Des « détraqués» qui, à la différence de ce qui s’observe pour d’autres perversions sexuelles – et Porcépique d’évoquer de manière imagée la coprophilie, l’urophilie, le sado-masochisme, le travestissement – « réclament la banalisation de leurs vices ».

Pour l'année prochaine, il faudra peut-être penser à un slogan plus en accord avec l'air du temps : "Florian, Fabien, Steeve et les autres… tous les détraqués sexuels ne sont au front."