Les médecins généralistes font une erreur tous les deux jours, selon une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Problème d'organisation apparemment. Personnellement, ça ne m'étonne pas puisque je pense que TOUS les médecins (y compris à l'hôpital) font des erreurs tous les deux jours, si ce n'est plus. Par manque de transmission entre eux, de sommeil, de concentration, etc.
Voici quelques exemples :
- En tant que jeunes internes de chirurgie, nous faisons beaucoup de gardes (24 h à 36 h d'affilée dans le service), très vite en autonomie. Alors on laisse parfois (souvent) libre cours à notre sens de la débrouille. D'autant plus lorsqu'on se retrouve à devoir assurer des gardes qui ne sont pas de notre spécialité, comme cela arrive dans beaucoup de services. C'est l'étudiant en médecine de 22 ans qui me montre discrètement comment faire le plâtre parce que je suis interne de chirurgie viscérale et que je n'ai pas fait de plâtre depuis quatre ans, ou bien les fils pour recoudre que l'on choisit de façon approximative… Avec un chef qui nous donne souvent comme seul mot d'ordre pour la garde : "Ne m'appelle pas."
- La nuit de garde, appelée, ré-appelée, répondant, vaseuse, aux appels de l'infirmière, qui me raconte que le patient de la 206 (il y a 60 patients dans mon service, je les connais tous par cœur bien sûr, surtout à 4 h du matin !) a de la fièvre : "Bon OK, mets-lui tel antibiotique." Et j'apprends au staff (rendez-vous des médecins pour faire un point au sujet de chaque patient) le lendemain, que le patient en question était allergique à cet antibiotique. Bien sûr, cette information doit être notée quelque part dans le dossier. Mais encore faut-il que mes co-internes l'ait réécrite de façon lisible, que l'infirmière prenne le temps de me faire un petit topo sur le patient...
- Préparer tous les papiers de sortie pour un patient et le retrouver toujours présent dans son lit à 23 h en sortant du bloc car l'infirmière du matin n'a pas prévenu sa collègue d'après-midi qu'elle pouvait le faire sortir.
- Se faire engueuler par le patron : "Pourquoi M. Bidule a eu une IRM cérébrale alors qu'il s'est fait opérer de la hanche ?" Parce que les internes du semestre précédent se sont gourés dans la demande d'imagerie sur l'ordinateur, que les brancardiers sont venus chercher le malade le jour du rendez-vous et que ni l'infirmière qui revient de vacances, ni l'interne qui était au bloc donc non joignable, ni le radiologue qui ne connaît pas le patient, ni le patient lui-même, n'ont tilté.
- Parce que pendant les vacances des uns et des autres, on se retrouve à remplacer notre chef de service à sa consultation (avec le bip des urgences qui sonne, alors qu'on est attendu au bloc) avec les patients qui viennent de la France entière pour un deuxième avis ou pour donner un rein à leur mère. "Euh… Comment dire ?" Ben faut trouver une parade, ne pas prendre de vacances peut-être.
Si vous mettiez le nez dans les dossiers médicaux, vous seriez atterrés de leur tenue en 2014. A l'heure où tout est informatisé, ils débordent de feuilles volantes, d'observations illisibles de médecins. Un joyeux bordel parfois trié par une bonne âme (le petit étudiant en médecine, en général, qui est rapidement mis dans le bain quant à la carrière de secrétaire qui l'attend, puisque le temps passé à la paperasse dépasse souvent le temps que l'on aimerait passer à examiner les patients).
Bref, notre boulot est fait par des êtres humains et la faute grave (qui n'est pas la plus fréquente, heureusement) provient souvent d'une accumulation de petites erreurs à différents niveaux. Heureusement, ce sont ces mêmes personnes qui sont bien souvent capables de rattraper les bourdes des uns et des autres.