Alors que le procès du Docteur Nicolas Bonnemaison est en cours à Pau, les internes de Souriez-vous êtes soignés vous racontent les situations face auxquelles ils se sont retrouvés et qui montrent que le débat sur la fin de vie n'est pas si simple.
Un patient nous est transféré d'une maison de retraite. Il a presque 90 ans et est en piteux état. Nous essayons de le remettre un peu sur pied. En réalité, il a un cancer à un stade dépassé. On n'espère pas l'en guérir mais au moins lui redonner un confort de fin de vie. Pour cela, il faut lui administrer certains médicaments notamment, le transfuser, et surtout l'endormir pour une petite intervention chirurgicale.
Nous rencontrons sa famille. Chacun de ses fils a son opinion : " Papa aurait voulu que…", "Si notre mère était encore vivante, elle aurait souhaité…", "Moi je ne veux que vous ne lui donniez aucun traitement et ne fassiez aucun geste chirurgical, il a fait son temps, à quoi bon…", "Moi je veux bien que l'on tente au moins l'opération"... L'équipe médicale, elle aussi est partagée. "Trop fragile pour l'opérer", "La transfusion coûte très chère et ne va pas le guérir donc laissons tomber…", "Je ne suis pas d'accord, tout ce que nous lui proposons est peu invasif [chirurgie de moins d'une heure], il faut tout tenter même si toute sa famille n'est pas d'accord."
Tout ce que je sais, c'est qu'en faisant ma visite matinale, le petit papi s'est, un beau jour "réveillé". Il m'a souri et s'est fendu d'un gentil "Bonjour Docteur". Moi qui ne l'avais vu qu'endormi et comateux jusqu'alors. J'ai été prise de culpabilité en repensant au fait que nous discutions tous, sans lui, de son destin depuis quelques jours avec l'idée qui revenait souvent sur le tapis de le laisser partir...