Un homme de 40 ans, sans papiers, vient me voir en consultation. La veille, il a craché du sang. Mes yeux forment deux billes quand je prends sa tension : 250/130 mmHg. C'est énorme, deux fois plus que la normale.
Commence alors le parcours du combattant... Il n'a aucune couverture sociale. Pourtant, il vit en France depuis 10 ans.
Toutes les personnes sans-papiers en France, ont le droit à l'Aide Médicale de l'Etat (AME) s'ils prouvent leur présence depuis au moins 3 mois sur le territoire. Ceci a pour but d'améliorer l'état de santé déplorable de ces populations, mais peut se révéler parfois être une "box illimitée" gratuite de la sécurité sociale (tous les soins et les traitements gratuits sans aucune avance des frais) avec des abus souvent très, très agaçants.
J'appelle le médecin du SAMU: " S'il n'a pas de Sécu, il doit aller aux urgences à pied ".
Mon patient n'y est pas allé de peur de se retrouver hospitalisé et la crainte d'une facture salée alors qu'il doit travailler pour 80 euros par jour sur un chantier.
Il a vraiment besoin d'un traitement, mais aussi d'explorations cardiaques. Il s'agit d'une situation urgente, vitale même. Je l'oriente vers Médecin du Monde qui lui dépanne des médicaments et l'aide pour les démarches administratives.
6 mois de bataille sur le fil du rasoir avant de lui trouver un rendez-vous à l'hôpital et malgré tout, toujours aucune exploration cardiaque faite à ce jour. Il y a de vraies urgences, qui pourraient relever d'une solidarité nationale (cancers, pathologies vitales ou contagieuses...) pour lesquelles le système de santé est aux abonnés absents alors qu'au même moment, plein d'argent est jeté par les fenêtres.
Quand arrêterons-nous de marcher sur la tête, de rembourser des tonnes de médicaments - qui n'ont jamais prouvé leur efficacité - poussés par les lobbyings des laboratoires pharmaceutiques, des gestes ou des explorations qui ne devraient pas être à la charge de la communauté (groupe sanguin pour le passeport de certains pays, circoncision pour conviction personnelle...) ou des soins, au nom de la solidarité sans aucun droit de regard sur leur utilisation ?