Bruxelles a épinglé le gouvernement au sujet du temps de travail des internes en France en demandant de réglementer le temps de travail à moins de 48 heures par semaine. "Si rien n'est fait dans les deux mois, la France sera poursuivie devant la Cour de justice de l'Union européenne", rappelle Le Figaro.
En pratique, et même si c'est triste d'être si pessimiste, je ne crois pas une seule seconde que ça soit possible. Jamais l'hôpital n'arrivera à s'organiser autrement !
Pas de contrat de travail mais une mission
Une bonne journée, où il ne se passe rien d'inattendu, où il n'y a aucun problème, dure en moyenne 12 heures, donc une base de 60h/semaine, puisque nous travaillons du lundi au vendredi au minimum (non, je précise, il n'y a ni RTT ni heures sup chez les internes). Mais cela, c'est sans compter les gardes de nuit, les astreintes de week-end, mais aussi les jours où tout ne se passe pas très bien et ou la journée se rallonge. En pratique, les semaines font de 60 à 80 heures. Et pourtant, je travaille dans une spécialité qui ne fait pas partie de la liste des plus touchées et où il y a moins de gardes qu'ailleurs !
Et pourquoi cela ? En réalité, nous sommes la seule profession qui n'est pas soumise au code du travail. Notre "contrat", même si nous n'en signons pas, n'est pas basé sur un temps de travail, mais sur une mission : nous devons prendre en charge une salle d'hospitalisation de X patients, faire tant de consultations par semaine, peu importe le temps que ça prend ! Et comme, fort heureusement, nous avons une conscience professionnelle puisqu'il s'agit de la santé des gens, ça prend du temps, beaucoup de temps et on ne compte pas.
Monsieur T contre ma soirée au théâtre
Si nous avons une sortie un soir, ce n'est pas forcément possible. La semaine dernière, par exemple, je devais aller au théâtre, et la pièce commençait à 20h30. Mais c'était sans compter Monsieur T, qui a chuté en essayant d'aller aux toilettes tout seul à 20h alors que nous lui avions dit de pas se lever sans aide. Examiner Monsieur T, attendre la radio de son bras pour être sûre qu'il ne s'était rien cassé, tout cela m'a pris une heure et mon théâtre s'est envolé....
Alors, me direz-vous, on a choisi ce métier tant pis pour la vie culturelle....
Soit, question de point de vue, mais là où le problème se pose c'est qu'à la 70e heure de la semaine, ou quand on a enchaîné 21 jours de travail sans pause (fréquent lorsque l'on travaille 2 week-ends de suite), nous ne sommes forcément plus aussi alertes, plus aussi performants, plus aussi patients, plus aussi concentrés, et par conséquent beaucoup plus aptes à faire des erreurs ! C'est ça que nous dénonçons, car c'est ce qui fait la gravité de notre situation !
Et personnellement, j'espère sincèrement que le jour où j'aurai l'appendicite, ce ne sera pas en fin de semaine et que je ne tomberai pas sur l'interne qui a travaillé le week-end précédent et 3 nuits dans la semaine !