Le juste milieu

Encore un peu endormie en sortie de garde, je suis en train de prendre un café avec mes co-internes quand je me fais apostropher violemment par le fils d'une patiente très en colère: "Dites donc Mademoiselle çà ne vous empêche pas de dormir la nuit de chercher à tout prix à tuer ma mère? Et çà ne vous embête pas de prendre votre café tranquillement au lieu de vous occuper d'elle? Ah oui bien sûr, c'est que vous avez besoin de places dans votre service!!! Mais je vous préviens que je vous trainerai devant les tribunaux!"

Il s'agit d'une patiente de 81 ans dans le coma spontanément, à cause d'une énorme tumeur cérébrale, qui n'est malheureusement accessible à aucun traitement "curatif" (ni chimiothérapie, ni chirurgie possible). Après 3 semaines passées à constater l'absence totale de réveil malgré la surveillance constante et l'instauration de médicaments "symptomatiques", il nous apparait assez clair que malheureusement nous ne pouvons rien faire, que sa tumeur continue à grossir, et qu'il faut désormais privilégier les soins de confort chez elle. Cela signifie arrêter l'assistance respiratoire, arrêter tous les gestes potentiellement douloureux pour elle et mettre de la Morphine si elle parait inconfortable.

Mais le fils n'est pas de cet avis du tout, et ne manque pas de nous menacer chaque jour de faire un procès pour avoir "euthanasié" sa mère.

Dans la chambre juste à coté, nous avons un patient de 74 ans qui a fait un AVC et qui est paralysé de tout le coté gauche. Il est encore sous assistance respiratoire à cause d'une pneumonie, mais nous avons bon espoir de réussir à le faire sortir de réanimation. Nous savons qu'il a une chance de rentrer chez lui un jour, même s'il restera probablement paralysé du bras et de la jambe gauche. Sa famille, à l'inverse, nous accuse d'acharnement thérapeutique.

Sa fille m'a dit un jour: "Que faites vous du respect des patients et de leur droit à mourir dans la dignité ??"

 

Pas facile de devoir composer au quotidien avec les convictions de chaque famille, parfois radicalement opposées!

Publié par Souriez vous êtes soignés / Catégories : Non classé