L'examen du projet de loi sur le mariage pour tous à l'Assemblée devait débuter le 12 décembre 2012, finalement il débutera fin janvier 2013. Comme l'a révélé le JDD.fr, les députés socialistes réclament plus de temps avant de voter ce texte, que la majorité présente comme une loi emblématique du quinquennat de François Hollande. Le projet de loi du gouvernement doit être présenté en conseil des ministres le 31 octobre. Mais avant d'être débattre du texte dans l’hémicycle, le président de la commission des lois et le rapporteur de la loi sur le mariage pour tous réclament un délai au gouvernement pour mener à bien les auditions des nombreux acteurs de ce dossier.
Comment expliquer ce report ? Est-ce un recul ? Et comment les parlementaires comptent enrichir la loi ? Eléments de réponse.
Les raisons d'un report...
"Avec le calendrier tel qu'il était, on avait quinze jours d'auditions. C'est beaucoup trop peu", m'explique Jean-Jacques Urvoas, président socialiste de la commission des lois et député du Finistère. Associations, sociologues, psychiatres, psychologues, religieux, profs... Les demandes d'auditions de personnes et d'institutions concernées par le sujet affluent à la commission des lois. "On a besoin de temps pour auditionner tout le monde, il y a sept pages de demandes d'auditions ! Cela fait environ 80 auditions. On n'aurait pas pu voir tout ce monde en quinze jours, ce n'est ni possible, ni sérieux", se justifie Jean-Jacques Urvoas. Le président de la commission des lois insiste sur la volonté de bien faire de l'Assemblée nationale : "Nous prenons ce texte au sérieux, or, quand on travaille vite, on travaille mal".
Pour le gouvernement qui ne souhaite pas perdre de temps sur ce dossier, c'est un mini-revers. Mais Jean-Jacques Urvoas insiste, "il n'y a ni recul, ni retard, ni couac". "Il n'y a pas d'intérêt à presser le pas, il ne faut bâcler le travail", indique le président de la commission des lois qui précise que le gouvernement lui a fait part de "sa compréhension". Comment vont se dérouler ce temps d'audition ? Les modalités précises restent à définir mais le député du Finistère aimerait des "auditions publiques à un rythme régulier". "Pourquoi pas tous les jeudis après-midi sur les mois de novembre et décembre ?", imagine Jean-Jacques Urvoas.
Ce report est-il signe d'une frilosité des députés PS à voter le mariage pour tous ? Le président de la commission des lois m'assure que ce n'est pas le cas. "En temps voulu, nous voterons ce texte. Nous sommes déterminés."
... sur fond de cacophonie
Si l'on s'intéresse autant à ce report, c'est que le débat sur le mariage et l'homoparentalité a pris une autre tournure dans la majorité la semaine dernière. En promettant de déposer un amendement ouvrant l'accès à la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuelles, Bruno Le Roux, le chef des députés PS, a engagé un bras de fer avec le gouvernement. Pour mémoire, Jean-Marc Ayrault avait renvoyé la question de la PMA "à une loi complémentaire qui pourrait être une loi sur la famille", sans en préciser le délai. Pourtant, la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, coresponsable du projet de loi avec Christiane Taubira, a soutenu l'initiative de Bruno Le Roux, ne craignant pas de prendre l'exact contre-pied du Premier ministre.
Les députés PS se défendent de vouloir "corriger" le gouvernement, comme l'indique Erwann Binet, le rapporteur de la loi sur le mariage pour tous et député de l'Isère. Selon lui, "il n'y a aucune défiance vis-à-vis du gouvernement". "C'est le rôle du Parlement, nous sommes là pour enrichir les lois". Si le député reconnaît une différence de "méthode et de calendrier", il n'y a pas de "divergence de fond" avec le gouvernement. Et le rapporteur de la loi sur le mariage pour tous en appelle au "président normal" : "Pendant sa campagne, François Hollande avait promis la revalorisation du Parlement. Nous ne sommes que des députés normaux", dit-il en plaisantant.
Dans quelles mesures les députés vont-ils modifier le projet de loi du gouvernement ? Sur la PMA, le groupe socialiste a un "avis très arrêté", affirme Erwann Binet, qui assure que l’amendement promis par Bruno Le Roux sera déposé. Quid de la présomption de parenté (au lieu de présomption de paternité) ou encore de la transcription de l'état civil des enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger ? "La réflexion aura lieu", explique Erwann Binet. "Il ne faut pas être hypocrite, nous ne sommes pas là pour légiférer sur une société idéale, nous faisons des lois pour la société telle qu'elle est aujourd'hui", précise-t-il en ajoutant que les auditions serviront à la réflexion des députés.