L’incinération est un procédé de “traitement” des déchets basé sur la combustion en milieu fermé, à plus ou moins haute température selon le type de déchets concernés. En France, on ne compte pas moins de 128 incinérateurs destinés aux ordures ménagères, soit un quart du parc européen. À partir des années 60, la relative saturation des décharges ont favorisé le développement de ces installations.
Incinère-t-on à foison ?
La France compte 128 incinérateurs en service, alors que l’ensemble de l’Europe en compte 470. Nous détenons donc un quart du parc européen, et nous plaçons au 7e rang en termes de quantité de déchets incinérés par habitant chaque année. Selon l'Ademe, nous incinérons 30% des déchets gérés par les collectivités, nous en envoyons autant en décharge, alors que nous en recyclons et compostons respectivement seulement 20% et 15%.
Si la France n’est pas la championne de l’incinération en Europe, l’incinération quant à elle est bien la championne en France.
Une méthode généralisée mais risquée
Pourtant, ce procédé pose quelques problèmes.
Lorsque l’on parle de l’incinération, on parle d’un procédé dit “d’élimination” des déchets. Pourtant, « rien ne se perd, rien ne se crée tout se transforme » disait Lavoisier. Il avait raison car, loin d’éliminer nos déchets, l’incinération ne fait que les réduire. Et encore ! Elle diminue leur volume, mais pas leur toxicité. Sur 1000 kg d’ordures incinérées, on retrouve à la sortie du four environ 300 kg de résidus solides (appelés mâchefers), 40 à 80 kg de résidus d’épuration des fumées (les REFIOM), et quelques milliers de m3 de fumées. Les résidus toxiques sont ensuite orientés vers des sites de stockage des déchets dangereux, en décharge donc. On ne peut donc pas parler “d’élimination” des déchets, qui sont toujours présents et même encore plus polluants du fait de la combustion.
Incinération rime avec pollutions
L’incinération génère des émissions de polluants atmosphériques (dioxines, métaux lourds, etc.) qui, sur le long terme, peuvent avoir un impact sur la santé (cancers, troubles de la reproduction, etc). En 2001, l’incinérateur de Gilly-sur-Isère fait scandale. Des concentrations de dioxine 750 fois supérieures aux normes européennes de l’époque sont relevées autour de cet incinérateur !
L’année suivante, un arrêté fixant des normes d’émissions contraignantes aux incinérateurs est enfin publié. Il ne réglemente cependant qu’une vingtaine de polluants sur plus de 2000 molécules recensées en sortie de cheminée. Certains polluants dont les effets, y compris combinés, sur la santé sont mal ou méconnus, sont donc émis dans l’atmosphère en dehors de tout contrôle. Les incinérateurs ont beau être aux normes, ils représentent des risques sur le long terme pour la santé et l’environnement et on ne connaîtra leur impact réel que dans plusieurs années.
Le gaspillage des ressources
Pour allumer un four, il faut un apport de combustible extérieur, généralement du gaz ou du fioul qui sont issus de ressources fossiles. Outre cette utilisation importante mais ponctuelle de combustible, c’est l’ensemble du procédé qui constitue un gaspillage de précieuses ressources naturelles.
En brûlant les déchets, on détruit les matières premières dont ils sont composés ainsi que les ressources (énergie, eau) nécessaires pour les extraire et les transformer en biens de consommation. Les procédés de “valorisation matière” (recyclage ou compostage) permettent au contraire de préserver ces ressources.
Alors pourquoi choisir l’incinération ?
En France, ce sont les collectivités qui choisissent les solutions de traitement pour leur territoire et qui en assument les coûts, même si la construction et l’exploitation sont le plus souvent déléguées à des entreprises privées. Le développement de la filière industrielle d’incinération des déchets est aussi la conséquence des avantages financiers et fiscaux mis en place par les gouvernements successifs, pour encourager les collectivités à faire le choix de l’incinération.
Le doigt dans l’engrenage
Or, une fois que l’on a fait le choix de l’incinération, il peut être très long, coûteux et difficile de faire machine arrière.
La construction d’un incinérateur, dont on estime la durée de vie à 20 ans minimum, est en effet un engagement financier de long terme pour les collectivités. Elles doivent non seulement rembourser les crédits contractés pour la construction de l’infrastructure, mais aussi assumer les coûts d’entretien et de mise aux normes régulières. De plus, les incinérateurs sont de véritables aspirateurs à déchets qui sont construits pour fonctionner avec une quantité de déchets constante, mettant ainsi un frein à la mise en place de politiques ambitieuses de réduction des déchets, de recyclage, de compostage
Pourquoi pas une société zéro déchet ?
Dans la mesure ou l’incinération n’apporte rien de bon d’un point de vue sanitaire et environnemental, et qu’elle apparaît problématique en terme de gestion des ressources, il est nécessaire de promouvoir des modes de traitement alternatifs et viables sur le long terme, tels que le compostage ou le recyclage.
Les collectivités peuvent profiter de l’arrivée en fin de vie de certaines installations pour mettre en place une politique ambitieuse de réduction et de tri des déchets. Cela permettrait aussi de créer plus d’emplois ! Pour incinérer 10 000 tonnes de déchets, il faut 3 employés alors que pour traiter la même quantité de déchets en centre de tri, ce sont 10 fois plus de postes qui doivent être créés.
On pourrait alors voir la France, non plus comme la championne de l’incinération, mais comme le fer de lance d’une gestion pérenne et soutenable de nos déchets.
Auteur : Corentin Mele - Zero Waste France