Heureux comme un Danois ! C'est le titre, un brin provocateur, d'un livre signé d'une Danoise expatriée en France, Malene Rydahl.
Sur quoi s'appuie-t-elle pour le proclamer ? Entre autres, sur le World Happiness Report 2013 : comme d'habitude, Copenhague arrive en tête du classement du bonheur mondial.
Dix-neuf ans passés au Danemark (enfance et adolescence) et dix-neuf ans passés à Paris (études et travail) permettent à cette cadre dirigeante d'un grand groupe hôtelier d'affiner la comparaison entre les deux pays. Et de livrer aujourd'hui les "dix clés du bonheur danois", qui sonnent comme autant de critiques des travers français. Récitons son décalogue:
1. La confiance
Pourquoi les Danois acceptent-ils une pression fiscale parmi les plus élevées au monde, "avec près de 60% d'impôts sur le revenu, 170% de taxes sur les voitures et une TVA à 25%" ? Parce que "78% des Danois font confiance à leur entourage" (record mondial) et 84% à leurs institutions. Confiance bien placée puisque Forbes a consacré en 2012 Copenhague premier des "World's 10 Best Governements" en raison de son intégrité et son efficacité.
2. L'éducation
Championne des inégalités scolaires, la France favorise les meilleurs élèves tandis que le Danemark, légèrement mieux placé dans les performances PISA, mérite le compliment inverse. Selon l'auteure, le système éducatif est conçu pour 95% des enfants. Et surtout, "l'école danoise consacre beaucoup d'énergie à développer l'estime de soi" alors qu'en France "un quart des enfants âgé de 11 à 15 ans", rapporte Le Monde, sont "malades de l'école", entre stress et peur de ne pas y arriver.
3. L'autonomie
"Selon une étude d'Eurostat, écrit Malene Rydahl, le Danemark détient le record mondial du nombre de jeunes qui quittent la maison parentale entre 18 et 24 ans. Seulement 34% vivent encore chez leurs parents. En France, c'est 62%, en Angleterre 70% et en Espagne et Italie, plus de 80%". Ce qui les aide à voler si vite de leurs propres ailes? La bourse de 760 euros par mois versée à chaque étudiant, sans condition de ressources.
4. L'égalité des chances
Grâce à un système fortement redistributif, l'égalité serait mieux assurée qu'ailleurs (voir point 2), même si l'essayiste peine à trouver un chiffre totalement convaincant.
5. Le réalisme
"Comme les Danois ne s'attendent pas à être les meilleurs ni à gagner ou briller devant les autres, ils sont plus satisfaits de ce qui est. Si par chance (ou par talent ...), nous devons gagner quelque chose, le plaisir est alors multiplié par mille". D'où une joie sans bornes quand le Danemark a gagné l'Euro de foot en 1992, euphorie dont les effets se prolongeraient jusqu'à aujourd'hui (l'exploit n'a pas été renouvelé).
6. La solidarité
Au pays d'Hans Christian Andersen, "sept Danois sur dix trouvent satisfaisant l'équilibre entre impôts et services fournis par l'Etat". Pourquoi ? Parce qu'ils sont attachés, détaille Challenges, à un Etat-providence qui bénéficie à tous, à "un système social généreux, comme les gardes d'enfants subventionnées ou l'assurance chômage qui leur garantit 80% de leur salaire pendant deux ans s'ils perdent leur emploi."
7. L'équilibre famille / travail
Au Danemark plus qu'ailleurs, le temps de travail est aménagé pour ne pas sacrifier la vie familiale : partir à 16 heures pour chercher son enfant à la crèche n'y est pas aberrant. Conséquence : les Danois passent "un peu moins de 8 heures" au bureau par jour "alors que la moyenne parmi les pays de l'OCDE est de 9 heures". Selon Challenges, la durée hebdomadaire de travail s'élève à 33 heures en moyenne.
8. La relation avec l'argent
L'argent ne fait pas le bonheur ... des trop riches, explique l'auteure. Et de raconter, moqueuse, un déjeuner avec un ami parisien. Bien des soucis malgré son magnifique appartement dans une des rues les plus chères de la capitale et sa superbe maison dans le sud de la France: une heure entière, il l'entretient de ses soucis d'impôt. Ce qui serait indécent au Danemark, où "l'objectif premier n'est pas d'être riche", dit-elle, mais de se réaliser pleinement.
9. La modestie
L'absence de prétention danoise, c'est Margrethe II, la reine du Danemark, qui en parle le mieux : "Nous sommes très fiers de notre modestie, c'est notre mégalomanie inversée. C'est très sophistiqué."
10. L'égalité hommes-femmes
En témoigne le congé maternité, "une affaire partagée : en 2002, il a été prolongé à 52 semaines. Le père a droit à deux semaines suite à l'accouchement, la mère a quatre semaines avant et quatorze semaines après, mais les trente-deux semaines restantes peuvent être partagées librement entre les deux." La relation égalitaire hommes-femmes serait inculquée dès l'enfance.
Trop idyllique, ce tableau ? A nuancer, en tout cas. Mêlons-y les couleurs sombres d'un cinéma qui ne respire pas la gaieté, de l'oeuvre complète de Lars Von Trier au Festen de Thomas Vinterberg. Et notons que, là comme ailleurs en Europe, l'euroscepticisme flambe et que le Parti du peuple danois (extrême droite), pourrait, selon Le Monde, arriver en tête aux élections européennes. Le "modèle danois" se vivrait-il en citadelle assiégée ?
-> Les 10 clés du bonheur, Heureux comme un Danois, de Malene Rydahl (Grasset, 16 euros)