Tous les dérapages ne se valent pas en politique. Ceux des candidats FN n'ont rien de comparables avec les petites phrases de Mélanchon, Duflot, les joutes avec Taubira, ou les indignations de Wauquiez ou de Marine… Certains sont parfois des délits. Mais actuellement, on a l'impression que le débat politique est un vaste concours de punchlines et de débordements soigneusement préparées. Que ce soit sur Twitter ou devant les micros en off.
La phrase de François Hollande s'inscrit dans cette façon de communiquer. Le président a dit : "Quand Mme Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970 .... » Sa phrase est extraire d'un développement sur la montée du FN mais c'est cette phrase là qu'on retient car elle est percutante, Elle impacts, Elle n'est pas politically correct donc elle est savoureuse. Ca va buzzer.
La bonne vieille pratique du off
Le jeu est connu, le journaliste aborde l'homme politique de façon décalée. Lui fait semblant d'être surpris et parle différemment. Une pratique initiée par Kissinger, l’ancien secrétaire d’État du président Nixon, qui parlait à la radio en feignant de croire que le micro était « off » (hors antenne). Il faisait passer des informations officielles avec un gage de sincérité sur un ton chaleureux en rupture avec les discours politiques classiques. Résultat les médias n'attendaient plus que le Off. En politique, aussi, le "off est si planifié" qu’il n'est plus vraiment « off », mais un moyen de communication à part entière. C’est off… iciel.
Fausse bévue de Hollande
François Hollande quand il prononce sa phrase fait mine de lâcher un bon mot qui lui échappe dans un contexte décalé un dimanche après midi sur Canal+ . Il a voulu provoquer. Ca a marché . Aujourd'hui, on ne discute que de la phrase du Président.
Chacun y est allé de sa partition. Mélenchon a poussé ses cris, les vieux députés communistes se sont indignés d'un tel traitement. Les éditorialistes de la PQR ont vitupéré contre le choix d'une émission parigo bobo arrogante.... De l'indignation bon ton. Du scandale affecté.
Une pierre, deux coups
Mais si cette phrase est planifiée, quel est son but caché ? Il semble que François Hollande ait compris que son impopularité lui permettait de tenter des coups. En clivant aussi violemment, il ancre un peu plus son gouvernement dans la social démocratie à la Valls-Macron
La comparaison du discours de Marine Le Pen vise autant le FN que le PCF. Elle fait passer les cocos de l'ère Marchais pour des croutons doctrinaires. Et indirectement les frondeurs du PS, toujours un peu nostalgiques d'une gauche solidaire et collectiviste. En une phrase, il a ringardisé les extrêmes.
Bref un beau dérapage stratégique.