Maurice Agnelet sera libre demain en fin de matinée. Bien que la décision de le remettre en liberté a été prise cet après midi et bien qu'elle soit applicable dès ce soir, il passera une nuit de plus au centre de détention de Mauzac (Dordogne). En prison mais libre. Quelques heures de plus pour convenances personnelles. Le temps que son avocat, Maître François Saint-Pierre vienne le chercher.
Libre, Maurice Agnelet n'est plus juridiquement condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de sa maîtresse Agnès Le Roux. Sa condamnation a été annulée du fait de la décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme le 10 janvier dernier. Les juges de Strasbourg ont condamné la France. Ils considèrent que le procès en appel à Aix de M. Agnelet n'était pas équitable. Non pas dans sa tenue mais dans le rendu de son verdict. En répondant simplement positivement à deux questions "non circonstanciées et laconiques", les jurés n'ont pas éclairé l'accusé dans leur motivation.
Faut-il rappeler que le corps d'Agnès Le Roux n'a jamais été retrouvé. Un assassinat sans cadavre.
On notera que la motivation des arrêts d'assises date de la loi du 10 août 2010, que le procès en appel d'Aix sanctionné date d'octobre 2007. Mais malgré la non réactivité de la loi, Strasbourg considère que la France a fait une faute.
Les 7 juges de la commission des réexamens des décisions pénales ont donc tiré les conséquences. Il y aura un troisième procès de l'affaire Le Roux. Il se tiendra à Rennes. Compte tenu des embouteillages des cours d'assises, du délai pour que les magistrats absorbent le volumineux dossier sur des faits qui datent de 36 ans, on voit mal comment ce procès pourrait se tenir avant la fin de l'année. D'autant plus qu'il n'y a plus urgence puisque l'accusé est remis en liberté.
Juridiquement, on l'a dit, Maurice Agnelet, 74 ans, est redevenu un accusé, bénéficiant de la présomption d'innocence. Il est désormais en attente d'un nouveau procès en appel. Il est donc dans la position d'un homme qui a été acquitté par les juges de première instance. Même si son pourvoi en cassation, même si sa requête en révision ont été rejeté, Il était difficile pour les magistrats de le maintenir en détention après plus de 5 ans derrière les barreaux.
En revanche, comme l'a souligné ce matin lors de l'audience, M° Témime, conseil des proches d'Agnès Le Roux, "la CEDH n'a pas innocenté" l'ex amant de la jeune femme disparue en novembre 1977. Autrement dit Maurice Agnelet a été victime d'une faiblesse procédurale mais pas d'une erreur judiciaire.
Les soeurs et frères d'Agnès, qui ont toujours fait preuve, comme leur mère, de beaucoup de dignité, n'ont évidemment pas manifesté d'opposition à ces deux décisions. "Ils la respecterons" avait dit M° Temime. Ce matin, Jean Charles Le Roux m'avait simplement dit: "Condamné une seconde fois, Agnelet sera enfin pourquoi".