Au bout de sept heures et demi de face à face dans le bureau de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, Martine Aubry a été mise en examen. Pour homicides involontaires. Autrement dit, la magistrate lui reproche par son inaction d'être responsable, certes involontairement, de la mort de personnes en contact, professionnellement, avec de l'amiante.
Ce n'est évidemment pas en qualité d'ex secrétaire du PS que Martine Aubry est poursuivie. mais parce que dans les années 84-87, elle occupait le poste de directrice des relations du travail au ministère du Travail.
Lors d'une déclaration préliminaire de plus de 6 pages au cours de son audition, Martine Aubry a déclaré que s'il lui apparaissait légitime de répondre aux questions de la magistrate, elle pensait que "dès lors qu'aucune négligence ou imprudence, aucune faute ne peut m'être imputable, je vous demande de pouvoir être entendue en tant que témoin". On connait la suite. Ni témoin. Ni témoin assisté, c'est à dire avec un avocat. Mais mise en examen.
Méthodiquement, elle a répondu aux dix griefs que la juge a retenu dans le dossier d'instruction
Dans un communiqué la semaine dernière, son avocat, Maître Yves Baudelot, a annoncé qu'il contesterait cette procédure devant la chambre de l'instruction. Avant que la maire de Lille n'arrive au pole de santé publique, l'un des représentants de l'association des victimes de l'Amiante a déclaré qu'il n'existait "pas de preuve d'une responsabilité individuelle de M Aubry".
Résultat, la juge a déclaré aux agences de presse qu'elle serait "imperméable" aux pressions.
Il ne s'agit pas ici de juger de la validité ou de l'opportunité de cette mise en examen. Rappelons seulement que les dossiers de santé publique sont les plus difficiles à instruire et ceux qui offrent de la justice une image plutôt négative. Des instructions sans fin. Le premier dossier "sang contaminé" a conduit à la condamnation, entre autres, de M. Garretta. Le dossier ministériel a aboutit à des relaxes pour Fabius et Dufoix et à une condamnation de principe pour Edmond Hervé. Le dernier volet a échoué devant la cour de cassation. Les hauts magistrats ont effacé la qualification d'empisonnement retenue par la juge Bertella-Geffroy. L'Hormone de croissance a débouché sur une relaxe générale. Qui est capable de dire ce qu'est devenu le dossier "vache folle"? Nous verrons en janvier le devenir du dossier des Irradiés d'Epinal.
Bref, dans ce dossier comme dans d'autres, les personnes poursuivies vont désormais vivre avec cette mise en examen au dessus de leur tête en attendant des mois avant de connaître leur sort judiciaire. De leurs cotés, les victimes, parties civiles, vont vivre ou survivre avec l'espoir qu'un procès leur apporte un semblant de réconfort. Et les journalistes que nous sommes feront alors le compte des années passées depuis les faits. Histoire de se poser une seule question. Cette justice là a-t-elle un sens?