Villiers-le-Bel: quand juger le policier devient un casse-tête

Elles auraient pu sortir de la salle d’audience en furie, en hurlant. Au contraire, elles sont sorties résignées mais dignes. Les deux familles des adolescents décédés dans la collision mortelle de Villiers-le-Bel espèrent depuis de nombreux mois le procès du policier qui conduisait la voiture qui a percuté la moto. Elles pensaient que ce moment était arrivé ce matin. Un long combat. Car durant des mois, pour ne pas dire des années, la justice a considéré que les policiers n’avaient rien à se reprocher pénalement dans la mort des deux jeunes. Il a fallu l’obstination de leur avocat, Maître Jean Pierre Mignard, pour que le non lieu se transforme en renvoi devant le tribunal correctionnel pour « homicides involontaires ».

 On le sait entre temps, certains émeutiers de Villiers-le-Bel ont été jugés et condamnés à des peines allant de 3 à 15 ans de réclusion.

Mais comble de l’ironie. C’est la partie civile qui, indirectement, est responsable de son renvoi. En mars 2011, elle a déposé une plainte contre les 4 policiers présents dans le véhicule incriminé pour faux témoignage. A l’heure actuelle, seul le conducteur a été mis en examen.

 Le tribunal correctionnel de Pontoise s’est retrouvé dans une situation digne de Kafka. Peut-on juger un homme qui fait l’objet d’une autre procédure dans la même affaire ?

 C’est la présidente du tribunal, Dominique Andreassier, qui a ouvert le débat. « Il y a un lien évident entre les deux procédures (…) On ne va pas saucissonner ce dossier » devait-elle déclarer en préambule.

 Maître Mignard soutenait, sans convaincre, que les deux dossiers étaient parallèles. Il semblait avec son collaborateur, M° Tordjman, bien seul. L’avocat des parties civiles s’engageait ainsi à ne pas se référer aux procès verbaux qui sont dans l’autre procédure, encore à l’instruction. Un pari assurément impossible pour le tribunal qui ne peut pas sélectionner les documents d’une affaire.

 Mais pouvait-on juger des circonstances de l’accident mortel sans se préoccuper de l’éventuel faux témoignage du même prévenu ? C’est la question que se posaient à voix haute les trois magistrats du tribunal.

 Une bonne partie de l’audience de ce matin a tourné autour d’une seule question. Quelle pouvait être l’influence d’une décision sur l’autre ? Autrement dit si le policier est condamné pour homicides involontaire, que fera le juge qui l’a mis en examen ? Sera-t-il obligé de le renvoyé pour faux témoignage devant un autre tribunal ? Pour le procureur, « peut-on relaxer un homme suspecté d’avoir fait un faux témoignage ? » Cornélien, on vous dit. Comme l’a très bien résumé, Maître Frédéric Champagne, avocat de la défense, « vous ne pouvez pas juger avec des si ».

 Après une heure de délibéré, le tribunal a considéré qu’il ne pouvait « pas suivre les arguments de la partie civile » et qu’il était « soucieux d’intégrer tous les éléments de preuves » dans son dossier.

L’affaire est donc renvoyée au 6 et 7 juin 2013. D’ici là, il faudra que l’autre procédure soit bouclée. Non lieu ou renvoi. Et dans le dernier cas, une fonction des deux dossiers pour un procès unique.

 Les faits datent de novembre 2007. La justice est lente. Surtout quand on lui met des bâtons dans les roues.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique