La justice sera-t-elle un enjeu de la campagne présidentielle?

Longtemps, l’image du procureur était celle d’un magistrat plutôt silencieux, respectueux de la hiérarchie. Si la seconde donnée n’a pas changé, la première a considérablement évolué. D’abord, et on ne peut que s’en féliciter, les représentants de l’accusation communiquent de plus en plus sur les affaires qu’ils ont à gérer. Un individu suspecté d’un crime retentissant est à peine en garde à vue que le procureur organise une conférence de presse.

Mais les procureurs n’hésitent plus à prendre la parole pour évoquer le malaise de leur juridiction.

Le 8 décembre dernier, plusieurs d’entre eux ont convoqué la presse pour rendre public une résolution signée par 126 procureurs sur 163 que compte cette institution. Un cri d’alarme résumé par une phrase : « les magistrats du parquet n’ont plus la capacité d’assurer leur mission d’application de la loi ». On ne peut pas être plus clair. Face aux dossiers qui s’accumulent sur leurs bureaux, ils craignent, pour reprendre l’expression de Robert Gelli, président de la conférence nationale des procureurs de la république, de passer à coté d’une « affaire susceptible d’avoir des conséquences importantes ».

Illustration de cette inquiétude, l’intervention de la procureure de la république de Caen hier au cours de l’audience solennelle. Catherine Denis a parlé d’un « service après-vente de la justice pénale en grande difficulté par manque de moyens », « de juges au bord de la crise de nerfs ». « Il est parfois difficile aux magistrats de ne pas devenir schizophrènes à appliquer des lois aux objectifs inconciliables » a-t-elle ajouté.

Sans évoquer cette problématique, le procureur général près la cour de cassation, plus haut représentant du parquet en France, s’est prononcé hier lors de l’audience solennelle de cette haute juridiction, pour une réforme du parquet, autre cheval de bataille de la confédération évoquée précédemment. Jean-Claude Marin préconise que l’avis du CSM dans les nominations des procureurs soient conforme et non consultatif comme actuellement. « Une manière éclatante de mettre un terme à ces soupçons, certes infondés, qui oblitèrent gravement toute réforme en profondeur de la procédure pénale » a-t-il précisé à l’adresse de l’actuel ministre de la justice.

Preuve que le malaise est grand. La semaine dernière, ce sont les présidents des tribunaux de grande instance, qui par la voie du président de leur conférence nationale,  Paul-André Breton, dressait un avenir apocalyptique.

« Aux difficultés matérielles et budgétaires s’ajoutent désormais un désenchantement et une souffrance généralisés chez les acteurs de terrain ».

Deux cris d’alerte, deux signaux d’alarme qui ne semblent pas avoir interpellés et émus les candidats à la magistrature suprême.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique