Permettez-moi d’abord de vous souhaiter une très bonne année judiciaire. En vous remerciant de votre fidélité. Que vous ayez ou non un ruban rouge à la boutonnière.
Leurs noms remplissent une colonne dans la page 12 du Figaro d’hier. Ils sont magistrats, avocats, maître des requêtes, notaire, expert, inspecteur général, greffier, directeur à la PJJ, huissier de justice. Ces honneurs de la presse ne sont donc dus à aucun fait d’actualité précis. Ils côtoient dans le quotidien des chefs d’entreprise, un archevêque, des artistes, des médecins, des sportifs, des cuisiniers, des artisans, des journalistes, des chercheurs, un alpiniste de renom, des écrivains, des professeurs d’université. Ils sont les 829 heureux élus de la promotion du nouvel an de l’ordre national de la Légion d’honneur.
Trois fois par an la plus haute décoration française est ainsi distribuée au bon vouloir de la présidence de la république et des ministères.
Elevé au grade de commandeur, d’officier ou de chevalier, peu de récipiendaires refusent de se faire épingler.
S’il ne nous appartient pas ici de s’interroger sur la légitimer de décorer les chanteurs Stone et Charden, la question peut en revanche se poser à propos des serviteurs de la justice.
Le 7 décembre dernier, à la surprise générale, la commission des lois de l’assemblée nationale avait voté un amendement PS stipulant que les magistrats ne pourraient plus être décorés pendant leur carrière. Dans le but de renforcer leur indépendance. Si la question se pose moins pour les magistrats du parquet, dont on connait leur lien hiérarchique avec le pouvoir exécutif, elle est légitime en ce qui concerne les magistrats du siège. Décore-t-on un magistrat pour la décision qu’il prise, ou pour la bonne gestion de sa juridiction. Dans la liste des décorés de ce week-end figure ainsi en bonne place le premier président de la cour d’appel de Paris, Jacques Degrandi, et la première présidence du TGI de Paris, Chantal Arens. Est-ce du à leur poste prestigieux ou pour services rendus ? Le justiciable peut s’interroger.
Même s’il s’agissait d’une avocate et non d’un magistrat, certains s’étaient amusés de voir une robe noire décorée après qu’elle se soit occupée du divorce de Nicolas Sarkozy. La légion d’honneur en guise de remerciements.
Les magistrats eux même sont partagés sur ces décorations durant l’exercice de leurs fonctions. Le SM, plutôt à gauche, se félicitait de l’amendement voté début décembre tandis que l’USM, considéré comme modéré, jugeait cette disposition comme « discriminatoire ».
Le 13 décembre dernier, les députés ont rejeté l’amendement socialiste voté par la commission des lois. Les magistrats pourront continuer à se faire épinglés. Quitte à entretenir dans l’opinion publique la suspicion.
PS/ Après la lecture de ce blog, Madame Chantal Arens a souhaité entrer en contact avec son auteur, surprise que son nom apparaisse dans cet article. "Je n'ai jamais rendue de services et je suis connue dans ce métier pour mon indépendance" a -t-elle tenu à préciser. Dont acte.