Quand Monsieur Klein flingue Monsieur Carlos

Ils ne se sont pas vus depuis la fin de l’année 1976. Ils ont été compagnons de route dans une page les plus sombres du terrorisme. Et aujourd’hui, ils s’ignorent superbement. A tel point que le témoin Klein fait tout pour éviter de croiser le regard de l’accusé Carlos. A tel point que le témoin Klein ne veut pas répondre aux questions de l’accusé Carlos.

Hans Joachim Klein est un repenti. Il a déposé les armes à la fin des années 70. Il l’a fait en écrivant une lettre au magazine allemand « Die Spiegel ». Courrier dans laquelle il avait joint son revolver.

H J Klein a été l’un des membres du commando qui le 21 décembre 1975 a pris en otages les ministres de l’OPEP qui étaient en conférence à Vienne (Autriche). C’est l’un des seuls faits de guerre que Carlos revendique. Il est vrai que plusieurs photographies et images, tant à Vienne que sur le tarmac de l’aéroport d’Alger où s’est achevé la prise d’otages, attestent de sa présence et du rôle qu’il y a joué.

Pour cette action spectaculaire, Carlos n’a jamais été jugé. En revanche, son comparse de l’époque a été condamné par la cour d’assises de Frankfurt à une peine de 9 ans de prison. Libéré en janvier 2003, il a été gracié en décembre de la même année.

Aujourd’hui, H J Klein vit en Normandie et « aurait préféré rester avec ses vaches » plutôt que de venir déposer à la barre. Il parle un français correct. Mais la mauvaise sonorité de la salle d’audience et la volonté manifeste de Carlos de récréer des incidents d’audience font que l’audience sera suspendue une demi-heure, le temps que l’on fasse venir en urgence un traducteur. « L’accent allemand du témoin est pire que l’accent vénézuélien de notre client »  scandera fermement M° Villemin du coté de la défense.

Que la parole d’H J Klein ait été dite en français ou en allemand, elle fut en tout cas claire et comprise. Carlo est ainsi dépeint par son ex homme de main comme un «  mythomane mégalomane ». «  Je n’ai jamais eu de discussion politique avec lui. Je n’ai pas vu en lui un homme de conviction ».

Pour le témoin, il est faux de croire que Carlos était d’abord motivé par le soutien aux palestiniens. « Il travaillait pour ceux qui le payaient » Concrètement, la prise d’otages de Vienne était commanditée par Kadhafi qui voulait faire main basse sur le pétrole. « C’était la politique du massacre gratuit. Plus il tirait, plus il pensait que l’on aurait peur de lui. (…) Ici on vous parle d’actes révolutionnaires, de révolutionnaire professionnel, transformé une femme en bifteck, rue Marbeuf, je ne trouve pas cela très révolutionnaire ».

Le président Olivier Leurent interrompt le témoin. « Vous savez que M. Illich  Ramirez Sanchez conteste les faits qui lui sont reprochés ». Dans le box, Carlos bondit, fait non de la main en déclarant à la surprise générale « non je n’ai jamais contesté ». Moment de frisson dans la salle, visiblement excédé par la déposition de son ex complice, Carlos va-t-il se piéger lui-même ? Aussitôt, M° Coutant-Peyre, l’une de ses avocats et sa compagne, se retourne pour le faire taire. Les avocats généraux demandent que la réponse de l’accusé soit actée. Adroitement, Carlos se rétablit. « Il y a trois possibilités : je suis innocent, je suis coupable, je vous emmerde". Il a choisi la solution n°3.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique