Autant inattendue que perturbant, l’affaire Strauss-Kahn a au moins le mérite de nous familiariser avec la justice américaine.
Jusqu’à présent notre culture du droit criminel outre-Atlantique s’est principalement enrichie avec les films ou séries venues des Etats-Unis.
Première différence et de taille avec notre procédure pénale, l’absence d’un juge d’instruction. Tout se passe entre la défense et l’accusation, sous le contrôle d’un juge qui vérifie tant que possible de l’équité entre les parties en présence.
Aux Etats-Unis, la victime n’a pas d’existence juridique dans le procès pénal. Dans l’affaire DSK à New York, la femme de chambre de l’hôtel Sofitel a été entendue par les policiers. Mais elle n’est pas apparue au cours des trois audiences qui se sont déroulées depuis le 14 mai.
Si procès il y a, la jeune femme qui accuse l’ex patron du FMI sera présente au procès comme témoin, et non comme partie civile, comme c’est le cas en France.
Il y a de ce fait, sur le plan sémantique, une difficulté de présenter juridiquement Mme Diallo. Au regard du droit, elle n’est pas « plaignante ». Elle n’est pas non plus « victime », à moins de considérer DSK « coupable ».
Depuis plusieurs jours les médias évoquent la possibilité d’une action en justice parallèle à celle qui existe actuellement. Les avocats de l’employée de l’hôtel pourraient lancer une procédure au civil. Certains y voient une volonté de la part de la victime supposée de soutirer de l’argent à l’homme politique français. Il est plus exact de dire que c’est pour elle la seule façon d’obtenir réparation de l’agression qu’elle dit avoir subie.
Autre différence fondamentale avec notre justice, les procès ont lieu aux Etats-Unis dans un délai plus rapide qu’en France. La date de celui de DSK pourrait être connue pendant l’été.
L’affaire DSK nous a permis aussi de découvrir un aspect du droit américain dont notre justice s’est légèrement inspirée. Le plaider coupable adapté en France sous le nom de « comparution de reconnaissance préalable de culpabilité », disposition réservée aux prévenus encourant certaines peines.
Mais le procès DSK tel que nous le vivons depuis trois semaines, c’est avant tout la justice par l’image. La sortie du commissariat de police d’Harlem de celui qui était encore à la tête du FMI. Son arrivée à la cour criminelle de Manhattan. Ses comparutions devant les juges Melissa Jackson et Michael Obus.
Des images d’une force incroyable. Autant la jeune femme qui accuse est protégée, une victime sans visage, autant le présumé innocent est exposé au regard du monde entier.
Des images qui font partie de la culture et de la justice américaine. Aux Etats-Unis, les caméras sont non seulement tolérées mais bienvenues en salle d’audience.
Cette médiatisation de la mise en accusation équivaut presque à une condamnation avant l’heure dans un pays où 90% des affaires se règlent avant le procès.
Ce pouvoir exutoire de l’image me rappelle une phrase de l’avocat général qui avait requis en appel contre Bernard Tapie dans le dossier OM/VA. « Celui qui a vécu par l’image, périra par l’image ».