Les procès en appel ne font pas recette dans les médias. C’est surement critiquable.
Les rédactions ont le sentiment d’un déjà vu, déjà entendu. Résultat les journalistes boudent en grande majorité les audiences. A l’exception du jour de l’ouverture, éventuellement du réquisitoire et du jour où l’arrêt est rendu.
Nous pourrions multiplier les exemples dans l’actualité récente.
Deux procès se « rejouent » actuellement au palais de justice de Paris.
Devant la cour d’assises spéciales, Yvan Colonna comparait pour la troisième fois. C’est le 5ème procès qu’est obligé de suivre la famille du préfet Claude Erignac. Pour sa veuve, ses enfants, son frère mais aussi les deux gendarmes de la caserne de Pietrosella, il faut tout réentendre. Comme si c’était la première fois : l’itinéraire de l’accusé, ses explications sur sa cavale, les interrogations sur la taille du tireur, les témoignages, 15 ans après les faits, de ceux qui étaient sur les lieux de l’assassinat à Ajaccio.
Tous doivent faire comme si c’était la première fois. A commencer par les 9 juges qui composent la cour. Ces magistrats professionnels connaissent le dossier mais ils doivent faire abstraction de leurs sentiments, de leurs impressions liés aux précédents procès.
A quelques mètres de là, Dominique de Villepin comparait à nouveau.
L’ancien premier ministre est poursuivi par l’Histoire qui hante les murs du palais de justice de Paris. En septembre 2009, il était jugé dans la salle où Marie Antoinette avait comparu. Cette fois ci, il prend place dans la 1ère chambre de la cour d’appel où le maréchal Pétain fût condamné à la peine de mort en juillet 1945.
Dans la salle d’audience, D de Villepin s’assoit ostensiblement à l’égard des deux autres prévenus. Son statut juridique est, il est vrai, légèrement différent. Mrs Gergorin et Lahoud ont été condamnés. Ils sont prévenus appelant. Relaxé en janvier 2010, Villepin comparait après un appel du parquet. Il est prévenu intimé.
Là encore, c’est le même dossier qui est épluché par les magistrats. Et pourtant ce second procès n’a rien à voir avec le précédent.
D’abord parce que Nicolas Sarkozy n’est plus partie civile. De Villepin et ses avocats n’ont plus à s’affronter avec M° Thierry Herzog, le conseil du Chef de l’Etat, qui savait apporter une contradiction nécessaire.
Ensuite parce que l’accusation qui a pourtant fait appel de la relaxe de D de Villepin concentre ses attaques sur Lahoud et Gergorin. Hier l’un des avocats généraux ira même jusqu’à dire que le parquet général n’a jamais vu dans la réunion du 9 janvier 2004 – point de départ de l’implication supposée de celui qui était alors ministre des affaires étrangères – comme une « réunion de conspirateur ».
Enfin parce que le manque de maitrise des audiences de la présidente Christiane Beauquis qui laisse les différentes parties posées leurs questions en dépit du bon sens n’aide pas les observateurs à y voir clair.
Lundi, l’épouse d’Imad Lahoud a mis en cause l’ancien premier ministre. Travaillant à l’époque au Quai d’Orsay, elle accuse Villepin d’avoir, par l’intermédiaire de son secrétaire général, demandé la suppression de deux extraits du livre d’I. Lahoud.
On connait les écrits, les verbatim du Général Rondot. Hier tout était dans les mots prononcés par l’ex-agent de renseignement. Ainsi, s’il affirme que D de Villepin n’a sans doute pas entendu le nom de Nicolas Sarkozy prononcé par Gergorin lors de la réunion du 9 janvier, le militaire n’hésite pas à contredire le prévenu sur la date à laquelle il s’est avéré que les listings étaient faux. Le Général Rondot parle de juillet 2004. Une date que D de Villepin ne veut pas entendre. S’appuyant sur le jugement du tribunal correctionnel qui avait mis le curseur à octobre 2004.
Jusqu'à présent le prévenu de Villepin quittait la salle d'audience rapidement afin de s'engouffrer dans un couloir et d'échapper ainsi aux journalistes. Hier, la stratégie fût différente. Il a arpanté devant les caméras les couloirs du palais, s'est entretenu avec l'un de ses enfants, a invité ses avocats à aller "boire un coup" à la buvette. Une stratégie de communication qui n'est évidemment pas un hasard.
Yvan Colonna dont le procès se poursuit jusqu’à mi-juin espère un acquittement.
Dominique de Villepin attend la confirmation de sa relaxe.
Les procès en appel sont souvent des redites, des remakes du procès en première instance. Mais quelquefois la décision finale est différente.