Il y a des audiences qui frisent parfois le surréalisme. Celle qui s’est déroulé ce matin devant la cour de révision en fait partie.

 

Dans ce décor riche en dorures, en tableaux symbolisant la justice et la loi, l’étude approfondie de certaines affaires criminelles ne redore pas le blason de l’institution judiciaire.

 

Accompagnée de sa nouvelle épouse et de son avocat, Maître Yves Baudelot, Dany Leprince est venu demander la révision de son procès. Pour le quadruple meurtre de son frère, de sa belle-sœur et de deux de leurs enfants, il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sureté de 22 ans.

 

Prenant ce matin la parole en dernier, il a simplement déclaré : « Je suis innocent. Je suis ému. Je pense à ma famille, à ma fille et à ma nièce (…) Je voudrais mettre un terme à ce calvaire qui perdure ». Après avoir passé 16 ans en détention avant d’être remis en liberté en juillet dernier par la commission de révision, Dany Leprince déclare : « J’ai toujours eu confiance dans la justice. J’ai toujours espéré ».

 

En 94, et lors de son procès en 97, tout semblait l’accabler. Ses aveux en garde à vue, les accusations de sa femme et de sa fille, le mobile, l’enquête des gendarmes et l’instruction du juge du Mans. Il a même hérité malgré lui du surnom de "boucher de la Sarthe", eu égard à sa profession.

Aujourd’hui tout semble l’innocenter. L’absence d’élément matériel, aucune trace de sang retrouvé sur ses vêtements ou chez lui, le créneau horaires des crimes, le doute sur l’arme du crime, et des collusions entre Martine, son ex épouse, et des personnes qui ont été proches de l’enquête, à commencer par un gendarme, commandant à l’époque la brigade de gendarmerie du Mans.

 

L’instruction réalisée par la commission de révision a également souligné les liens entre un auditeur de justice présent à l’époque au tribunal de grande instance et cette même Martine. Cette seconde a été pendant 5 ans la nounou du premier. Le futur magistrat a pu suivre une partie des premiers interrogatoires, sans que cela gêne quelqu’un dans l’enceinte du palais et sans que cela soit signalé dans la procédure de l’époque.

 

Plus problématique. La justice s’interroge aujourd’hui sur la faisabilité du condamné à avoir commis ces meurtres. Dany Leprince avait, lors de l’instruction, déclaré que le soir du crime, avant d’aller se coucher, il a regardé à la télévision un film avec Charles Bronson. Il a déclaré alors se souvenir d’une scène. Contre toute attente, le magistrat instructeur n’a fait aucune vérification. Il a fallu la minutie de Martine Anzani, présidente de la commission de révision, pour dater le passage de la dite scène. Un élément qui « affaiblit les déclarations de ses accusatrices »  écrivent les magistrats, avant de poursuivre ; « il n’apparait pas vraisemblable que ce massacre ait pu être accompli en un espace de temps aussi court que celui résultant des témoignages recueillis ».

 

Faut-il ajouter à cela que l’expertise médicolégal n’a pas été accompli sérieusement pour connaître les circonstances exactes des décès et que les scellés on été détruits, avec l’accord des chefs de juridictions, en 2000 ?

 

Claude Mathon, l'avocat général, n'a pas caché sa consternation devant cette enquête. "J'ai honte". Bien que se défendant de vouloir fait le procès de l'ex femme du condamné, il s'est étonné qu'elle ne fût pas mise en examen. Le magistrat souhaite en tout cas qu'une nouvelle enquête reparte du tribunal du Mans.

 

Le 6 avril, la cour de révision dira si Dany Leprince, qui en 97 ne pouvait pas bénéficier d’un appel, sera rejugé par une autre cours d’assises.

 

L’audience de ce matin a mise en lumière des erreurs manifestes de magistrats et d’enquêteurs. Innocenté, Dany Leprince pourra demander réparation pour ces 16 ans de prison, par erreur. Il pourra également se tourner vers la commission de discipline du CSM. Mais quelle suite, l’institution judiciaire donnera, d’elle-même, à ce qui apparait ce matin comme un nouveau fiasco judiciaire ?