Ma rencontre avec Natascha Kampusch

Plus de 300 pages pour raconter l’horreur de 3 096 jours. Natascha Kampusch aurait pu choisir de se faire oublier, comme l’ont fait d’autres victimes d’événements similaires avant et après elle.
 
Certains lui reprocheront ce choix. C’est le cas dans son pays d’origine. Elle divise. A la  compassion, d’autres expriment du rejet, de la haine. Beaucoup en Autriche lui reprochent sa médiatisation de l’affaire. Le même phénomène se reproduira certainement en France. « Pourquoi ce livre ? Pourquoi ces interviews ? Pourquoi nous infliger cette souffrance ? »
 
Il est vrai que dans son récit, Natacha Kampusch ne nous épargne rien des horreurs qu’elle a vécu durant 8ans et demi. A un détail près. Si elle décrie le rapport de force qu’elle a réussi à établir avec son ravisseur, elle écarte l’idée d’évoquer tout ce qui touche aux relations intimes qu’elle pourrait avoir eu avec son ravisseur. Le non dit se lit simplement entre les lignes.
 
La lecture de ces 3 096 jours nous plonge dans l’enfer, dans l’inimaginable, dans l’impensable. Comment une petite fille de 10 ans a-t-elle pu résister à tant d’humiliations, de privations ?
 
Au fil des pages, on l’a voit souffrir et vieillir. Jusqu’à ses 18 ans. Jusqu’à ce 25 aout 2006 où profitant de l’inattention de son geôlier, elle parvient à lui échapper. Alors que Natascha Kampusch cherche désespérément de l’aide chez ceux qu’elle croise ou ceux qui elle se réfugie, son ravisseur se jettera sur un train.
 
Elle se rendra alors compte que son calvaire sans fin se déroulait à 18 kilomètres du domicile de sa mère.
 
8 ans derrière une porte en béton de 150 kilos. Un réduit de 5 m2. Ce n’est qu’au bout de 7 ans que le ravisseur lui consentira de sortir de la maison. Dans le jardin puis dans la rue.
En Autriche, on lui reproche de ne pas s’être enfui plus tôt, d’avoir « composé » avec lui, de ne pas condamner son kidnappeur. Qu’aurions nous fait à sa place ?
 
La lecture de ce livre m’a profondément bouleversé. Ma rencontre avec elle mardi matin aussi, comme je l’ai raconté hier sur le plateau du 20h. Quelque chose d’assez surréaliste. L’interview s’est faite dans les salons de l’Hôtel Lutétia à Paris. Un décor feutré à cent lieux de ce qui fut son univers pendant 3 096 Jours.
 
Jamais un entretien comme celle-ci ne fut difficile à réaliser. Dans le rapport qu’il peut y avoir entre l’interviewée et le journaliste. Allez au devant de ma curiosité professionnelle sans aller au-delà de sa pudeur. Obtenir des réponses sans contrecarrer sa fragilité et son mal être.
 
C’est une rencontre qui marque, que je compare à ma visite de la cache du pédophile Marc Dutroux en Belgique.  C’est notre devoir de journalistes de le faire partager. Chacun après interprète. Pour ma part, je me refuse à juger. Ne nous trompons pas de procès. Le seul qui aurait du se dérouler est celui de son ravisseur. Il n’a pas eu lieu.
 
En refermant son ouvrage, on aimerait tellement qu'il soit écrit sur la couverture "roman"....
 
PS/ Vous pouvez retrouver l'intégralité de cet entretien sur le site de France2.
 
Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique