A l'heure où les trains se font rares sur les rails, la justice se penche sur le dossier "Tarnac". Les dix membres de ce groupe considéré proche des milieux "ultra gauche" sont suspectés d'avoir saboté des lignes TGV en 2008. Mis en examen pour "association de malfaiteurs en lien avec une organisation terroriste", ils sont désormais libres, sous un contrôle judiciaire qui a été allégé par la chambre de l'instruction en décembre 2009.
C'est cette même chambre d'instruction qui se penche ce matin sur la requête du dernier mis en examen du dossier, Christophe Becker. Les avocats de ce dernier mettent une nouvelle fois en doute le respect de la procédure dans ce dossier éminent sensible politiquement.
Pour les conseils du jeune homme, M° Assous, M° Bourdon et M° Lévy, le dispositif de vidéo surveillance qui a été mis en place à la mi-août 2008 dans la cour intérieure et la porte d'entrée de l'immeuble de Julien Coupat est illégale. L'article 706-96 du code de procédure pénale prévoit qu'une telle mesure ne peut être diligentée que par un juge d'instruction. Or, souligne la défense, cette vidéo surveillance émane des policiers de la sous-direction antiterroriste, et ce bien avant qu'un magistrat instructeur ne soit saisi du dossier. Selon les avocats qui soulèvent ce matin cette nullité de procédure, si les trois magistrats de la chambre de l'instruction les suivent cela entraînerait l'annulation purement et simplement de tout le dossier d'instruction. Il n'y aurait donc plus d'affaire "Tarnac".
Le parquet général est évidemment sur une tout autre voie. D'abord, il minimise l'impact de cette vidéo surveillance dans l'élaboration du dossier d'instruction. Selon l'accusation, aucun indice grâce et concordant n'est issu de ce dispositif. Sous entendu, ce dernier n'a servi à rien. Enfin, les avocats généraux considèrent que le dénommé Christophe Becker n'est pas légitime dans sa requête, pour la simple raison que ce n'est pas son domicile qui a fait l'objet d'une surveillance avec deux caméras.
Les avocats ont d'autres arguments dans leur manche. Ils contestent aussi la légalité d'écoutes téléphoniques de l'épicerie de Tarnac, en Corrèze. Ils mettent en doute l'authenticité d'un procès-verbal retraçant la filature de Julien Coupat et de sa compagne sur les lieux d'un des sabotages. Enfin, ils demandent l'audition publique d'un témoin qui jusqu'ici à témoigner sous X.
Ce n'est pas la première fois que les avocats des mis en examen mettent en doute la loyauté de l'enquête. Comme souvent dans ce genre de dossier, les avocats de la défense tirent plusieurs cartouches en même temps. D'où ce qui peut apparaître contradictoire aux yeux de novices: des demandes d'annulation partielle ou totale et des demandes d'investigations.
Le dossier "Tarnac" est-il entaché de vices de forme? Les magistrats de la chambre de l'instruction rendront leur arrêt le 22 octobre prochain.