Les deux avocats connaissent les lieux. Ils y sont venus souvent pour plaider. La 17ème chambre correctionnelle de Paris est spécialisée dans les affaires de presse. Mais cette fois ci, c’est en civil qu’ils interviennent. Maître Georges Kiejman est le prévenu. Maître Olivier Metzner est le plaignant.
Leur verve, leur dialectique, leur foi, leur conviction, leur punch, ils le mettent au service de leur propre cause. Ils sont ténors du barreau pour défendre leur propre intérêt. M° Metzner poursuit son collègue pour des propos tenus dans une dépêche AFP et dans le JDD des 19 et 20 juin dernier. L’avocat de Liliane Bettencourt accusait nommément son détracteur d’être à l’origine, d’être le cerveau d’un complot. M° Kiejman considère que son confrère est responsable si ce n’est des enregistrements clandestins effectués chez sa cliente, en tout cas de leur divulgation dans la presse.
M° Kiejman ne retire pas ses propos. Il les assume et il les réitère à l’audience. « Je pense qu’il n’est pas étranger à ce piège. J’ai pu me tromper mais j’ai tous les éléments pour le croire et je le crois » dira-t-il en fin d’intervention.
Pour l’ex secrétaire d’Etat à la Justice, la confession de M° Metzner en avril à un journaliste du Nouvel Obs concernant un « document explosif » qui allait changer la donne dans le dossier d’abus de faiblesse, est la preuve de son implication. Les enregistrements clandestins effectués chez Madame Bettencourt, souligne l’avocat de cette dernière, ne seront données à la police qu’à la mi juin. Une chronologie que conteste l’avocat de la fille. M° Metzner affirme avoir rencontré le journaliste quatre fois pour ce portrait. Il propose de verser à la procédure son agenda. « « Je n’ai pas enregistré, ni demandé ses enregistrements » plaide le prévenu Olivier Metzner.
Derrière cette confrontation qui est révélatrice du climat qui règne dans le dossier, il y a surtout deux égo en robes noires.
M° Metzner, même s’il le revendique légèrement dans le dit portrait, n’aime pas qu’on le présente comme un manipulateur des médias en vue d’influencer la justice. « J’ai joué la transparence et le contradictoire » affirme-t-il à l’audience. « On ne peut pas dire « je suis le Maître des médias », faire le paon, dire que les journalistes sont à ma botte, et plaider qu’on a rien fait » lui rétorque à l’audience son aîné.
De son coté, Maître Kiejman prend à cœur la défense de sa cliente. « C’est une femme drôle, ironique, qui sait ce qu’elle veut. C’est une femme riche qui vît isolée ». Mais M° Kiejman a la conviction que les médias, emportés par la force de persuasion de son collègue, ont pris parti pour la fille et non pour la mère. « La parole de Liliane Bettencourt est aujourd’hui inaudible. Plus personne ne veut l’entendre parce qu’elle est riche et parce qu’elle est vieille » tonne son conseil.
Les deux ténors ne sont pas prêts de se réconcilier. Plusieurs fois, Maître Kiejman perdra son calme. « Il va finir par me tuer (...) Je suis trop vieux pour supporter ça"» lancera-t-il en pleine audience alors que tout le monde à en tête le malaise qu’il a fait il y a une dizaine de jours. Puis il portera une dernière estocade à l’encontre de M° Metzner. « Après 57 ans de barreau, je peux dire que les grands avocats appartiennent au passé. Il ne boxe pas dans la catégorie des grands avocats. Il ne boxe pas non plus dans la mienne, c’est pourquoi, je n’ai aucune animosité pour celui qui m’agace ».
Le tribunal dira le 20 octobre lequel des 2 ténors est KO.