On pouvait craindre que les deux procureurs se retranchent derrière un vocabulaire hermétique de l’économie. Le chef de la section financière du parquet et son collègue ne sont pas tombés dans ce piège. Leur réquisitoire s’est attaché au contraire à replacer les faits dans une dimension humaine.
Ils ont ainsi noté que le président avait lui-même achevé son interrogatoire mardi soir comme il l’avait débuté quinze jours plus tôt. En posant la même question. « Qui êtes vous Monsieur Kerviel ? » Sans obtenir pour autant de réponse satisfaisante les deux fois.
Les procureurs ont donc en près de trois heures de temps tenté de dresser un portrait du prévenu. On ne pouvait pas attendre qu’il soit élogieux. Par des formules ou des mots chocs dont certain magistrats de l’accusation ont la maîtrise, Jean Michel Aldebert et Philippe Bourion se sont livrés à une attaque en règle. « Un reptile ». « Un plaisir extrême à duper et franchir tous les contrôles ». « C’est un job à plein temps de frauder ». « Il a donné l’illusion d’un trader efficace ». « Seul Jérôme Kerviel a déraillé ». « Il a dupé sa hiérarchie, ses collègues, ses amis ». « C’est Kerviel que vous jugez pas la Société Générale ». « Tricheur, manipulateur, menteur ».
Un réquisitoire pour mettre Jérôme Kerviel seul au milieu du prétoire mais aussi pour redorer le blason de la banque. Pour les procureurs, l’affaire Kerviel est «unique, historique », qui a provoqué un « traumatisme planétaire, un tsunami financier ». Seule une peine lourde peut, selon l’accusation, réparer le « trouble à l’ordre public, économique et financier ». « Il faut arrêter le discrédit sur les banques, empêcher l’existence d’un autre Kerviel au génie dévastateur » insiste le procureur avant de requérir la peine de 5 ans dont 4 ferme contre l’ex-trader. L’accusation ne requiert pas de mandat de dépôt. Si le tribunal suit ces réquisitions, un appel interjeté par la défense suspendra l’application de la peine.
Rappelons que Jérôme Kerviel a effectué 38 jours de détention provisoire.
Le procureur en revanche n’a pas requis d’amende. Ne souhaitant pas en rajouter après la Société Générale qui réclame près de 5 milliards d’euros, même si elle est consciente que Jérôme Kerviel est dans l’impossibilité de la dédommager.