Après Pasqua, le vide de la Cour de Justice

 

Trois jours après avoir rendu sa décision, la cour de justice a publié ce matin l’arrêt Pasqua. 20 pages censées mettre un point d’orgue à 15 jours de procès. La moitié de ces 20 pages concerne la procédure, allant même jusqu’à rappeler le planning des audiences : les heures des suspensions d’audience et le nom des témoins entendus à la barre. Si les avocats du dossier y trouveront peut être un moyen de cassation, le lecteur citoyen s’interrogera sur cet étonnant « remplissage ». Les 5 pages suivantes sont un résumé laconique des charges contre le prévenu Pasqua. Il faut atteindre la page 15 pour arriver au délibéré proprement dit. 23 lignes pour exonérer Charles Pasqua dans le dossier du casino d’Annemasse. 15 autres pour arriver à la même conclusion dans le volet « Alsthom ». Une page enfin pour retenir la culpabilité du sénateur dans le dossier Sofremi, dossier dans lequel son fils a déjà été condamné, peine récemment confirmée par la cour de cassation.

 

Les 15 juges justifient ensuite la peine infligée à l’ancien ministre. Si ils notent que « les faits commis par Charles Pasqua présentent une gravité certaine car ils ont été commis par un ministre d’Etat, dépositaire de l’autorité publique », ils relèvent aussitôt que « compte tenu de l’âge de M. Pasqua et de son passé au service de la France, il y a lieu d’assortir du sursis la peine prononcée ». La cour de justice a également ordonné la confusion de cette peine avec celle de 18 mois avec sursis prononcée par la cour d’appel de Paris dans le volet « Annemasse ».

 

Les juristes remarqueront que cet arrêt est sans commune mesure avec ceux rendus par une cour d’appel. Loin aussi des jugements de première instance. Dans les deux cas, la motivation des juges professionnels est nettement plus détaillée, argumentée. L’arrêt de la CJR profile peut être ceux qui seront rendus un jour par les cours d’assises si cette réforme intervient un jour prochain.

 

Cet arrêt « simplifié » donne néanmoins un gout de malaise au lendemain de ce procès lui-même critiquable sur certains aspects. Charles Pasqua, qui a déjà été jugé par des tribunaux ordinaires, l’a lui-même relevé. Les juges lui ont posé très peu de questions. Peu de juges-parlementaires sont intervenus durant les débats. Les trois dossiers assez complexes ont été abordés en 6 jours. Le procès a été avant tout un défilé de plus de 50 témoins. Auditions au pas de charge…Ces mêmes dossiers devant les tribunaux correctionnels ont fait l’objet de procès plus longs et plus fouillés, ce qui a entraîné aussi des condamnations plus lourdes.

 

Le fossé est tellement vertigineux entre les réquisitions et la décision que la lecture de cette dernière est difficilement lisible. Les avocats de Charles Pasqua ont jusqu’à jeudi soir pour se pourvoir en cassation. Il s’agit de leur seul recours car il n’y a pas de possibilité de faire appel d’une décision de la CJR. Si l’arrêt est cassé, l’ancien ministre sera rejugé par une cour de justice autrement composée.

 

Le dossier Pasqua refermé, la cour de justice se trouve au chômage. Aucun dossier n’a passé le cap de la commission des requêtes. Résultat, la commission d’instruction n’est saisie aujourd’hui d’aucun dossier. Le Président Hugues-Claude Le Gall, magistrat retraité de la cour de cassation, et les fonctionnaires de la cour de justice pourraient être invités à quitter les locaux de l’Esplanade des Invalides qu’ils occupent depuis 1994. A moins que la cour d’appel de Paris ne crée la surprise en se déclarant compétente pour juger de la totalité de l’affaire Clearstream. Elle renverrait alors Dominique de Villepin devant la CJR pour ne se pencher que sur les cas de Jean Louis Gergorin et Imad Lahoud. Une décision qui une nouvelle fois provoquerait le saucissonnage d’un dossier à tiroirs.

 

 

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique