En langage sportif, on appelle cela un «tour de chauffe ». C’est la troisième fois depuis septembre dernier que les protagonistes de l’affaire Bettencourt/Banier se retrouvent dans une salle d’audience pour parler de tout ce qui fâche, sauf du fond.
Le 3 septembre, les débats ont porté sur la possibilité pour la fille de Liliane Bettencourt à poursuivre le photographe François-Marie Banier pour abus de faiblesse par voie de citation directe. Le parquet s’y opposait. Le tribunal a passé outre.
Le 11 décembre, les échanges entre avocats portaient sur la recevabilité de la partie civile de Liliane Bettencourt, la mère. La position de cette dernière est assez insolite puisqu’elle ne se considère nullement victime du prévenu, qu’elle soutient, mais de sa voisine sur le banc des parties civiles, sa fille.
Maîtres Kiejman, Metzner et Temime, les trois ténors du barreau parisien, se sont retrouvés ce matin pour des plaidoiries toutes autant enflammées. C’est Maître Georges Kiejman, le conseil de Mme Bettencourt, qui est parti à l’offensive. Dans sa ligne de mire : le tribunal et plus précisément la présidente, Isabelle Prévost-Desprez. Selon l’avocat, les tensions qui règnent au sein du tribunal entre la dite magistrat et le procureur de la République de Nanterre jettent une suspicion sur l’impartialité du tribunal. « Dans un certain nombre d’affaires sensibles, vos décisions ont pu apparaître comme prises dans la volonté systématique de donner une leçon au parquet de Nanterre et à son chef » a lancé l’avocat de la milliardaire.
M° Kiejman fait allusion aux dossiers des marchés publics des Yvelines, des comptes piratés de Nicolas Sarkozy et plus récemment de celui de l’ex PDG de Vinci. A chaque fois, le tribunal présidé par cette magistrate a rendu des jugements contraires aux réquisitions. Autrement dit dans l’affaire Bettencourt, comme Philippe Courroye dit qu’il n’y a pas lieu à poursuivre M. Banier, les 3 juges vont forcement le condamner. Cette condamnation sous entendra que Mme Bettencourt est bien diminuée psychologiquement et physiquement, comme le laisse entendre sa fille.
Une attaque à peine dissimulée à l’intention de la magistrate que ses deux confrères n’ont pas manqué de dénoncer. « Pourquoi autant d’acharnement pour que le fond de l’affaire ne soit pas abordé ? Pourquoi cette crainte de la part de quelqu’un qui n’est pas jugé ? Quelle cause défend cette partie civile qui n’est pas victime » s’est interrogé à voix haute Maître Olivier Metzner, conseil de Françoise Bettencourt-Meyers.
En présence de son client qui restera muet tout au long de l’audience, Maître Hervé Témime rappelle une évidence. « François-Marie Banier est le seul prévenu dans cette affaire. Il veut être jugé. Il est temps d’y arriver. Nous attendons désormais ce procès tant nous sommes convaincu qu’il ne peut être que relaxé ».
Quant à Marie Christine Daubigney, procureur adjointe, elle s’est abstenue de rendre dans la polémique concernant les tensions entre son patron et la présidente du tribunal. Pour la représentante du parquet, la demande de Me Kiejman est « une nouvelle bizarrerie juridique soulevée par une partie civile que je ne sais qualifiée ».
Le tribunal, sans surprise, a joint l’incident au fond.. D'ailleurs pouvait-il en être autrement? Se dessaisir, comme le demandait Maître Kiejman, aurait été un aveu d'impartialité. Tout ce petit monde va donc se retrouver le 1er juillet pour un nouvel épisode de cette saga familiale où une mère et sa fille se déchirent en public pour la modique somme d’un milliard d’euros.