Quand Alliot-Marie fait oublier Dati

Il y a des hasards de calendrier qui peuvent faire sourire. Vendredi dernier, Michèle Alliot-Marie était présente au congrès de l'USM qui fêtait son 35 ème anniversaire. Quand il se déroule à Paris, ce congrès du syndicat de magistrat le plus représentatif se tient dans la 1 ère Chambre de la cour d'appel. Les audiences du procès en appel de la catastrophe de l'Erika se déroulant dans cette salle, l'USM a dû rapatrier ses adhérents dans la 1 ère Chambre civile du TGI. Résultat, la Garde des Sceaux a pris place dans une salle où son nom avait été prononcée plusieurs fois dans les semaines précédentes au cours du procès Clearstream.

Alors que certains auraient bien voulu la voir comparaître à la barre des témoins, démarche qu'ils n'ont d'ailleurs pas déclenchée, pendant plus de deux heures, Michèle Alliot-Marie a pris la place qu'occupait un des assesseurs du Président Pauthe. A-t-elle ainsi eu une pensée pour Dominique de Villepin qui durant 5 semaines était assis au premier rang, là même où vendredi les chefs de juridiction de la cour d'appel écoutaient son intervention?

Si pendant les audiences Clearstream, les oreilles de l'actuel ministre de la justice ont du sifflé, pendant le discours du Président de l'USM, ce sont celles de Rachida Dati qui ont du souffrir. Christophe Régnard a ainsi rappelé que lors du précédent congrès qui se tenait à Clermont-Ferrand, R Dati avait fait faux bond, laissant sa place au secrétaire général de la Chancellerie. "Une lacheté, une faute politique" a laissé tomber Ch Régnard en fixant l'actuel ministre de la justice. Ce dernier s'en est pris également au programme de l'ancienne ministre. "Des réformettes, inutiles, inapplicables".

Si les magistrats sont visiblement ravis de voir M. Alliot-Marie occuper le poste de Garde des Sceaux, ils ne cachent pas leur méfiance. Ch Régnard dresse avec force et lucidité un constat plutôt sombre. "Le malaise est intense dans les juridictions (...) N'attendez pas un drame (...) C'est une marmite judiciaire (...) La justice française se dégrade (...) Nous ne voyons pas d'issue au bout du tunnel (...) Nous n'en pouvons plus". Le Président de l'USM révèle également que les magistrats sont de plus en plus nombreux à prendre leur retraite avant l'heure. 

La suppression du juge d'instruction focalise les craintes des magistrats. D'abord ils sont fatiguées par ce qu'ils appellent "un mille-feuille législatif". Chaque ministre apporte sa réforme, ses nouvelles lois rendant la procédure plus compliquée. Ensuite, ils sont hostiles au fait que l'enquête soit confiée au procureur. "Qui peut croire que le parquet est indépendant ?" lance Ch Régnard.

Dans un discours très politique dont on se dit qu'il aurait pu servir en papier collé lorsque Michèle Alliot-Marie était en charge de la Défense ou de l'Intérieur, la ministre tente de rassurer les congrèssistes. "Le juge de l'enquête et des libertés ne sera pas un juge alibi". Pour la Garde des Sceaux, il sera une garantie d'une bonne indépendance. Quelques magistrats me feront part après le discours de leur septicisme. "Pour nous, son rôle sera aussi réduit que celui actuellement du juge de la détention et des libertés: un juge tampon en quelque sorte".

Pour la ministre, notre droit aujourd'hui "est illisible". "Je souhaite une réécriture de tout le doit pénal". Un voeu déjà exhausé, sans succès, par ses prédécesseurs.

Les discours de la Garde et du Président de l'USM ont été applaudi chaleureusement. Les magistrats ont même acclamé debout Ch Régnard. "En général, cela se produit à la fin du mandat, moi j'y ai droit au bout d'un an" me confiera ravi l'intéréssé.

L'USM et M Alliot-Marie se sont d'ores et déjà donné rendez-vous pour le prochain congrès à Rennes.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique