Le témoignage de deux anciennes adeptes va-t-il conduire le tribunal correctionnel de Paris à dissoudre l'Eglise de Scientologie? C'est évidemment la question qui est au centre de ce procès qui se tient depuis trois jours.
Mardi, Anne Claire M, est venu raconter à la barre comment les scientologues lui avaient vidé la tête et vidé les poches. En 98, sortant d'une bouche de métro, la jeune femme, déprimée, en rupture sentimentale, saisie un prospectus qu'on lui tend. C'est un questionnaire. Elle le remplit et le renvoit à l'adresse indiquée au centre de Dianétique rue Legendre à Paris. Un dimanche, elle reçoit un appel téléphonique chez elle. Son interlocuteur lui propose un rendez-vous. La suite, elle la raconte, ce sont des "cures de purification", des prises de vitamines qui vont lui faire perdre 9 Kg en quelques semaines et surtout une succession de chèques.
En 4 mois passés dans les mains des scientologues, elle va fermer son plan épargne logement, son Codevi et son assurance vie. En 4 mois, elle va débourser 140 000 francs de l'époque. Des achats de livres, un électromètre à 30 000 francs qu'elle n'a pas utilisé, des cours payés d'avance. Anne-Claire le dit: "Vous ne quittez jamais leur bureau sans faire un chèque". Très calmement, elle raconte aussi que le jours où elle a décidé de se rendre au Centre de dianétique sans chèquier et sans carte bleue pour ne pas être piégée, ils l'ont raccompagné chez elle. "J'ai fait trois chèques, dit-elle, de trois montants différents avec trois ordres différents". Une autre fois, alors qu'elle avouait à ses "formateurs" qu'elle n'avait plus d'argent, on lui a répondu de ne pas s'inquiéter. " Ils m'ont déposé devant une succursale de la Sofinco".
Elle raconte avec beaucoup de précisison l'engrenage, la spirale dans laquelle elle est tombée. "A chaque test, on me répondait qu'il y avait une légère amélioration. Je me disais pourquoi tant d'efforts pour si peu de résultats. Mais on me disait que cela allait venir, alors je continuais".
Contrairement à trois autres plaignants dans ce dossier, Anne-Claire a maintenu sa plainte. "Ils ont abusé de ma faiblesse, de ma détresse psychologique. Tout cela, c'est pour avoir de l'argent et en aucun cas pour nous venir en aide. Après m'être fait dévalisée, j'étais oppressée physiquement et moralement. J'étais démolie. Je n'ai réussi à reconstruire ma vie qu'il y a deux ans".
Le témoignage hier de Nelly L était d'une autre nature. Elle a été victime d'un employeur scientologue. "J'étais la dernière des dernières. Il m'a harcelé. Il m'a poussé à entrer dans l'Eglise de Scientologie. A prendre des cours, acheté des livres, à prendre leurs vitamines. J'ai refusé. Résultat, il m'a licencié". Nelly n'a donc pas vécu la même descente aux enfers financières d'Anne-Claire. Elle a déboursé 1 000 francs.
Le patron "indélicat" en question, mis en examen dans ce dossier, est décédé avant l'ouverture du procès. Les autres prévenus contestent en tout cas ces accusations.
Interrogés par Sophie Hélène Chateau, la présidente du tribunal qui visiblement connait parfaitement son dossier, les prévenus sont assez flous sur certains points. Sur les tarifs principalement puisque le prix de l'électromètre passe selon l'adepte de 30 000 francs à 18 000 francs. "Les prix sont faits par l'ordinateur " répond Didier Michaux qui tenait la librairie de la Scientologie. Jean- François Valli lui déclare que ces versements faits par les adeptes doivent être considérés comme "des dons ou commes des contributions". "Alors pourquoi les remboursés dès que l'adepte se plaint?" s'interroge M° Morice, avocat des parties civiles.
Pour M° Maisonneuve, avocat de l'Eglise de Scientologie, "tout cela prouve que les plaignantes étaient consentantes, qu'elles ont agi en pleine connaissance de cause et que la Scientologie n'était pas une secte endoctrinante et fermée".
A l'issue de ces trois jours d'audience, deux remarques s'imposent:
Comment à la fin de l'instruction, le parquet de Paris a-t-il pu prendre des réquisitions de non lieu. Aujourd'hui les deux représentants de l'accusation semblent opérer un virage à 360 °. Ils multiplient les questions sur les motivations financières des scientologues. Le procureur et la partie civile posent la même question. "Et quand on n'a pas les moyens financiers, comment ca se passe?"
Ensuite dans les prochains jours, le tribunal va entendre une trentaine de témoins cités par la défense. Des scientologues pour la plupart. Le procès se résumera à un défilé d'adeptes qui diront, sans surprise, tout le bien qu'ils pensent de la Scientologie. Ce sera donc témoignage contre témoignage. Mais la justice ne se rend pas au poids. Il restera celui de deux plaignantes, deux personnes vulnérables qui ont été trompé. Avec en bout de course: la dissolution.