Régulièrement les Gardes des Sceaux aiment à rappeler qu'ils sont ministre de la Justice et non ministre chargés des affaires. C'est ce que vient de dire en substance cet après-midi Rachida Dati. Lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale, elle a nié être intervenue dans un dossier sensible.
Mardi dernier, un juge d'instruction de Paris a ouvert une information judiciaire pour "recel de détournements de fonds publics, blanchiment, abus de biens sociaux, abus de confiance". Cette procédure vise le patrimoine détenu en France par trois présidents africains en exercice (Gabon, Congo et Guinée équatoriale). Pour le doyen des juges d'instruction parisiens, cette ouverture est la suite logique après la plainte déposée par une association "Transparency International France".
Après un temps de réflexion très court, le parquet a fait appel. Une décision attendue. D'abord le parquet en 2007 et 2008 avait déjà classé sans suite deux premières plaintes visant les mêmes faits. Le procureur avait considéré à l'époque que l'infraction était " insuffisamment caractérisée". Cette fois-ci, l'association a déposé une plainte avec constitution de partie civile. Le parquet ne peut plus la bloquer à la source. Mais son appel étant suspensif, il gèle la machine jusqu'à l'examen devant la chambre de l'instruction qui n'interviendra pas avant plusieurs mois.
Le débat pourrait rester purement juridique. En raison des personnes visées, il devient forcement politique. S'agit-il de faire respecter le droit ou bien s'agit-il de protéger des Chefs d'Etats Africains, amis de la France? Les juges d'instruction se proposent de mettre leur nez dans les biens d'Omar Bongo, de Teodato Obiang et de Denis Sassou Nguesso. Leur patrimoine financier et immobilier, leurs limousines.... A eux trois, plus de 60 propriétés et plus de 180 comptes bancaires sur le territoire français. Bref une mise à plat de leurs signes extérieurs de richesse, une curiosité judiciaire que l'on a rarement vu à l'encontre des personnalités de l'Hexagone. Pour les plaigants, ce patrimoine sur le sol français est le résultat de détournements d'argent public.
Pour M° William Bourdon, avocat de l'association qui a porté plainte, l'appel du parquet est motivé par des intérêts diplomatiques et économiques. "Le parquet agit comme le bras armé de la raison d'Etat" déclare le conseil du plaignant.
La question est donc posée aussi bien au palais de justice qu'au Palais Bourbon. Le parquet a-t-il agit de son propre chef ou sur ordre de la hiérarchie, autrement dit du parquet général, de la Chancellerie. D'où la réponse dans l'hémicycle de Rachida Dati; "Nous ne sommes pas intervenus".
Une affirmation qui n'a pasconvancu André Vallini. Perfidement, le député socialiste rappelle une des premières petites phrases de R. Dati. "Je suis les chef des procureurs".