L'enfant abandonné du fast-food

Nous voudrions être dans un mauvais rêve, face à un mauvais film. Nous sommes dans une salle d'audience.

Une femme est debout à la barre. Une mère de famille. On ne distingue qu'une silhouette un peu courbée, comme pour mieux se faire oublier. sa voix est à peine audible. On l'entendra dire simplement "j'ai pété les plombs", une phrase dont le procureur dira lui même dans son réquisitoire que c'est un argument de défense qui revient comme un lietmotiv dans les tribunaux correctionnels.

Face à elle, trois femmes. Trois juges. Peut être elles aussi mère de famille. la prévenue n'est pas jugée pour un vol, pour une agression, pour des chèques en bois, pour outrage aux bonnes moeurs. Non, pour oubli. Oubli volontaire. Pour abandon. Pour "délaissement de mineur" pour reprendre la terminologie exacte du code pénal.

Le 26 juin 2007, à la veille des vacances, Mina T, agée de 34 ans, entre dans un fast-food de la place Clichy à Paris. Elle est accompagnée de son fils de 3 ans prénommé Ryan. Elle en resort quelques minutes plus tard. Seule. Un oubli. Une étourderie. Non, un acte déléibéré, prémédité. Mina T a choisi de partir seule dans son pays d'origine pour y retrouver le père de son 3 ème enfant. Un autre enfant alors agé de 20 mois.

Ryan, lui, est abandonné à son triste sort. Comme un chien perdu sans collier. Aucun papier, aucun bijou permettant son identification. Un appel à témoin lancé par la Brigade de protection des mineurs quinze jours plus tard permet de lui donner une identité, une histoire. Et quelle histoire, celle d'un enfant pas désiré, rejeté, mal aîmé. A 3ans. Abandonné dans un fast-food au milieu des papiers gras.

Identifiée sa mère quittait sa "nouvelle vie" à casablanca pour le cabinet du juge d'instruction à Paris. Longtemps, comme cela a été rappelé à l'audience, elle n'a pas compris pourquoi la justice lui demandait des comptes. A aucun moment, comme cela a été souligné par l'avocate de la partie civile, Mina T n'a pris conscience du risque qu'elle faisait prendre à son fils en l'abandonnant ainsi dans un lieu public. A la merci du premier venu. Ryan aurait pu être victime d'un enlèvement, d'une agression. sa chance fut que la directrice de l'établissement a rapidement donné l'alerte.

Soulignant que "la France du 21 ème siècle n'était pas la France des Misérables", le procureur a requis 2 ans de prison avec sursis et 3 ans de mise à l'épreuve avec ntoamment une obligation de soins. le tribunal a condamné la mère du petit Ryan à 18 mois avec sursis. Les trois juges lui ont en outre retiré l'autorité parentale. Qui pourrait s'en offusquer. pas l'avocat de la défense qui n'envisage pas de faire appel de cette condamnation. Mina T n'ira pas en prison. mais il aurait été inconcevable d'autoriser une mère d'avoir une quelconque influence et un quelconque regard sur un enfant qu'elle a rayé de sa vie.

Le petit Ryan a aujourd'hui 5 ans et demi. Il rejoint la trop longue litanie des enfants battus, des enfants du placard. Ryan est placé depuis 2007 dans un foyer d'accueil dépendant du conseil général de Paris. Sa mère peut le voir une fois par mois. On ne sait pas si elle remplit cette mission. On sait en revanche que le jeune garçon est traumatisé, qu'il se sent désespérement abandonné, qu'il vit avec un sentiment indélébile que même une décision de justice de ce jour ne peut pas gommer.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique