La parole du président soumise au chronomètre?

L'audience de vendredi dernier n'a pas fait la une de l'actualité. Il est vrai qu'elle se déroulait dans une juridiction dont nous parlons peu: le Conseil d'Etat. Les regards ce jour là étaient tournés vers Londres et Strasbourg et non vers le Palais-Royal.

Le Conseil d'Etat n'est pas une juridiction judiciaire. Elle est en revanche le plus haut échelon de la juridiction administrative. Elle est compétente pour les lois, ordonnances, décrets.

Vendredi, les conseillers d'Etat étaient invités à se pencher sur une question apparement anecdotique. Elle concerne pourtant le fonctionnement de notre démocratie. Elle touche aussi à notre profession, aux médias que sont la radio et la télévision. En un mot, une audience consacrée au temps de parole présidentiel.

Le Conseil d'Etat avait été saisi le 18 décembre 2007 par François Hollande, alors premier secrétaire du PS. Il regrettait que le temps de parole d'un Chef de l'Etat ne soit pas pris en compte. Comptabilisé. Le parti socialiste avait essuyé un refus du CSA. D'où cette requête devant le Conseil d'Etat. Aujourd'hui, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ne comptabilise que les prises de parole des membres du gouvernement, des partis politiques. C'est la règle des trois tiers qui s'applique: gouvernement, majorité parlementaire et opposition parlementaire. Le chef de l'Etat étant considéré comme "au dessus des partis", sa parole n'est pas quantifiée. Seulement depuis deux ans, le CSA publie sur son site internet les temps de parole du président de la République et de ses collaborateurs.

Vendredi dernier, Madame Catherine de Salins, "rapporteur public", appelé encore récemment commissaire du gouvernement, a surpris par sa prise de position. Elle a considéré que "la parole du président de la République devait être prise en compte pour le respect du puralisme politique". Précisant, "le président n'est pas un arbitre, mais un capitaine".

Le souhait du PS intervient dans un contexte politique et médiatique différent de celui que nous avons connu lors deprécédentes présidences. Les interventions télévisées et radiodiffusées de l'actuel Chef de l'Etat ne sont pas rares. Dans le passé, le président s'effacait souvent derrière son premier Ministre. Actuellement, le principe s'est plutôt inversé.

Vendredi soir, tout le monde semblait se réjouir de cette préconisation du rapporteur public du Conseil d'Etat. M° Boutet, l'avocat de François Hollande, qui défendait cette requête. Le porte parole du SNJ, Syndicat National des Journalistes, a salué cette "bonne nouvelle qui va permettre de clarifier certaines situations".

Le Conseil d'Etat va-t-il suivre l'avis de Mme de Salins? En mai 2005, elle avait écarté cette possibilité.

Réponse dans les 15 jours qui viennent. Top chrono.

DROIT DU SUITE:

Après trois jours de délibéré, le Conseil d'Etat vient de rendre aujourd'hui mercredi 8 avril sa décision. Plus précisement, la haute juridiction administrative ne tranche pas la question.Mais elle donne une directice. Pour le Conseil d'Etat, on ne peut exclure par principe" la prise en compte de la parole présidentielle. Elle renvoit donc le contentieux au CSA à qui "le législateur a confié la mission d'apprécier et de déterminer les règles qui s'imposent pour garantir le pluralisme des courants de pensée et d'opinion" dans l'audio-visuel. Dans un communiqué, le CSA annonce qu'il étudiera la question avec les responsables des chaines de radio et de télévision après les élections européennes.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique