Le dossier Lucien Léger définitivement clos

A l'heure où les avocats d'Yvan Colonna menacent la France de se tourner vers la Cour Européenne des droits de l'Homme à propos de la tenue du procès en appel qui vient de s'achever, c'est une autre affaire judiciaire qui trouve son apogée aujourd'hui devant la juridiction de Strasbourg.

Lucien Léger, après avoir été dans les années 60 "l'ennemi public n°1", est devenu le "plus vieux prisonnier de France". On a le record que l'on mérite. En juillet 64, il est arrêté pour le meurtre du petit Luc Taron. Il a croisé le jeune garçon sur un trottoir près de la gare Saint Lazare. Celui-ci vient de quitter précipitemment le domicile parental après avoir essuyé une remontrance de ses parents. Pour tenter d'apaiser le jeune garçon qui est en pleurs, Lucien Léger, infirmier psychiatrique, lui  propose d'aller faire un tour dans sa 2 CV.

Le corps du petit Luc est retrouvé dans la forêt de Verrières-le-Buisson. Mort, portant des traces de strangulation. Pendant plusieurs jours, Lucien Léger a joué au chat et à la souris avec la police et la presse en leur adressant des courriers signés "l'étrangleur". Après avoir avoué son crime, il entre dans une phase de dénégation qu'il n'abandonnera jamais. Pendant son procès devant la cour d'assises de Seine-et-Oise à Versailles, il accuse le père de la victime de connaître et de cacher l'identité du véritable auteur du crime.

L. Léger a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité à une époque où la peine de mort n'était pas abolie. Alors qu'il était libérable à partir du début des années 80, il recouvre la liberté qu'en octobre 2005. Après 15 demandes de libération conditionnelle. Après 41 ans de détention. La justice a  mis longtemps à remettre en liberté un homme qui est dans le déni de son crime et dont les experts évoquent un risque élevé de récidive. De plus, le père de la victime n'a jamais caché son désir de vengeance si le meurtrier de son fils était remis en liberté.

En 2002, Lucien Léger a saisi la CEDH pour "traitement inhumain" au regard de sa longue détention. Requête rejetée en 2006. Requête réexaminée en avril 2008. Lucien Léger est présent à l'audience aux cotés de son avocat M° Jean-Jacques de Félice. L'ex plus ancien détenu a été retrouvé mort chez lui le 18 juillet 2008. Son avocat devait disparaître à son tour 9 jours plus tard.

Un an plus tard, la CEDH donne enfin sa réponse. Si l'on peut dire puisque constatant le décès du demandeur, la cour de Strasbourg se refuse à rendre un arrêt posthume.

Monsieur Taron est décédé depuis de nombreuses années. Son épouse vît toujours. Je l'ai rencontré il y a plus de trois ans pour une interview. Une femme digne, effacée, mais agacée, indisposée par les déclarations publiques de Lucien Léger. Elle ne veut penser qu'à son fils qui repose à Bonneuil dans la région parisienne. Il aurait aujourd'hui 56 ans. Luc était son unique enfant.

Le 27 mai 64, ses parents l'ont grondé parce qu'il avait fouillé dans leur porte-monnaie. Pour faire un cadeau pour la Fête des Mères.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique