Assis sur les bancs de la presse, face au box des accusés, nous avons l'impression de revivre la même scène qu'il y a 4 mois presque jour pour jour. Le 7 novembre dernier, dans la même salle du palais de justice de Paris, Antonio Ferrara jugé pour son évasion de la maison d'arrêt de Fresnes récusait ses avocats et décidait de quitter le procès. On ne devait pas le revoir, y compris lors du verdict. Mercredi dernier, 11 mars, la cour d'assises était en état de récidive. Après s'être vu refuser une seconde fois une demande de reconstitution, Yvan Colonna et ses avocats claquaient la porte.
En soit ce n'était pas une surprise. Les avocats de la défense l'avaient laissé entendre depuis plusieurs jours. Certains diront que c'était une menace sur la cour. D'autres rétorqueront qu'ils ont au moins mis à exécution leurs promesses...
S'en suit aujourd'hui un débat qui a lieu à la fois dans le prétoire et devant la presse. Le paroxysme de cette situation s'est déroulé hier après midi. A 14 h, l'audience a repris dans la cour d'assises. Tout le monde y avait repris sa place. Sauf bien sur l'accusé et ses conseils. Yvan Colonna était dans une cellule du dépôt dans les sous-sols du palais. Désertés aussi les bancs du public réservés aux proches d'Yvan Colonna. Pendant une heure, ce fut un débat "hémiplégique". Tous les avocats de la partie civile puis les deux avocats généraux ont dit ce qu'ils pensaient de l'attitude de ceux qui ont opté pour la politique de la chaise vide. " C'est du terrorisme judiciaire" lachait M° Cathy Richard. "C'est inadmissible, inacceptable" moderait M° Philippe Lemaire. "C'est une prise d'otage de l'institution judiciaire" renchérissait l'avocat général Jean-Claude Kross. Pour la première fois, la défense n'avait pas la parole en dernier.
Cette parole, elle allait pourtant la prendre à quelques mètres de là. Tous les journalistes désertaient l'audience pour se rendre dans une salle de la Maison du Barreau de l'autre coté de la rue d'Harlay. Les avocats d'Yvan Colonna y tenaient une conférence de presse. Ou plus exactement une succession de plaidoieries. Celles à laquelle la cour d'assises n'aura plus droit. Leur motivation est claire. A défaut de convaincre leurs juges, il s'agit désormais de sensibiliser l'opinion publique. Ils publieront donc dans les semaines qui viennent un livre blanc qui sera le plaidoyer pro domo d'Yvan Colonna.
Ce matin, c'était au tour de Laurent Le Mesle, Procureur Général près la cour d'appel de Paris, de défendre l'institution au micro de Jean-Pierre Elkabbach.
La situation née du départ de l'accusé n'est donc pas exceptionnelle. Elle n'est pas satisfaisante pour autant. Faire porter le chapeau uniquement à la défense est faire preuve de mauvaise foi. Certes, Yvan Colonna et certains de ces avocats ont par des attaques virulentes et outrancières installés un climat comme on en a rarement vu dans un procès. Mais dans le même temps, la cour et son président ont multiplié des attitudes qui ont semé le doute sur leur partialité et leur équité. On ne peut être que troublé quand des magistrats prennent des notes et posent des questions face à des témoins à charge et restent totalement imperméables à des éléments qui peuvent être à décharge?
Le procès Colonna se poursuit donc désormais sans aucune contradiction. La cour d'assises est dans une impasse mais l'accusation se retrouve face à un boulevard pour une condamnation annoncée. Personne ne peut se satisfaire d'un procès boiteux. Ni la famille Colonna. Ni la famille Erignac. Et encore moins la Justice.