La défense sans concession d'Yvan Colonna

Ses avocats l'avaient promis. C'est un autre procès qui se tient devant la cour d'assises spéciales de Paris. Bien sûr, c'est le même dossier. Bien sûr, ce sont grossièrement les mêmes témoins qui vont défiler à la barre. Seulement l'atmosphère n'a rien à voir avec celle qui régnait au début de l'hiver 2007. Ce n'est pas une défense de rupture chère à M° Vergès. C'est une défense de résistance qu'insuffle l'avocat entrant M° Patrick Maisonneuve. Yvan Colonna n'a rien à perdre. Il a été condamné à la peine maximale, la perpétuité. Certes il pourrait se voir infliger une période de sureté, mais rappelons qu'aucun des membres du commando ne se l'ai vu décerner. Son combat, on l'a compris depuis le début, c'est l'acquittement. Il ne veut donc pas assister à un "remake" de son premier procès.

Résultat, mardi, Yvan Colonna a bouleversé le programme établi par le président, programme qui répond à la procédure criminelle. Il a refusé de parler de lui et s'est opposé à ce que ses proches viennent témoigner sur sa personnalité. En revanche, l'accusé a fait entrer dans le prétoire l'actuel chef de l'Etat. En juillet 2003, alors qu'il était ministre de l'Intérieur, il s'était felicité de la fin de la cavale de Colonna en disant publiquement " On vient d'arrêter l'assassin du Préfet Erignac".  Depuis ce jour, Colonna pense qu'il est jugé et condamné d'avance. Colonna a intenté un procès contre Nicolas Sarkozy pour "atteinte à la présomption d'innocence". Procès qu'il a perdu. "Comment voulez vous que j'ai confiance dans une justice où le Président de la République est sur le banc des parties civiles?" a déclaré Yvan Colonna à l'audience.

Hier matin, il s'est refusé à s'adresser à la famille Erignac, contrairement à ce qu'il avait fait en première instance. "Je n'ai pas tué votre mari, votre père, votre frère" avait-il dit alors dans le box. Hier, changement de ton. "On m'avait dit que c'était d'un cynisme inacceptable, que je devrais présenter mes excuses". C'est à l'assistance qu'il s'adresse. " Je n'ai rien à voir avec l'assassinat". Il n'en dira donc pas plus.

Conséquence, l'atmosphère est devenue électrique dans la salle d'audience. Tout le monde est sur ces gardes. Le Docteur Paul Marcaggi qui avait lors du premier procès déclaré sur question de l'avocat général que selon lui le tireur était d'une taille au moins égale à la victime, était hier soir à la barre nettement plus prudent. Il parle d'une "hypothèse" qui ne peut être confirmée que si elle est confrontée aux constatations de l'expert en balistisque. Or ce dernier refuse pour la seconde fois de témoigner à la barre. Rappelons l'enjeu. Claude Erignac mesurait plus d'1m80. Colonna mesure 1,72m. La défense a donc fait citer son propre expert. Hier soir, le pauvre homme s'est retrouvé face à un mur de barrage de la partie civile et de l'accusation. En un mot, "qui est-il lui" pour venir dire ce qui s'est passé sur la scène du crime le soir du 6 février 1998, alors que la justice ne lui a rien demandé. La règle judiciaire est ainsi faite. Il y a aux yeux du juge deux sortes d'experts. Ceux qui ont le label "expert judiciaire près d'une cour d'appel" et les autres. Malheur à celui qui appartient à la seconde catégorie.

Depuis hier soir, les incidents et les suspensions de scéance se sont multipliés. Le ton s'est considérablement durci entre la défense et les bancs opposés. Mise en garde de la cour sur la façon dont des témoins pourraient être eux aussi interrogés par la défense sur leur cursus universitaire. Demande de donner acte en vue d'un pourvoi en cassation. Appel au bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris après un mot malheureux d'un des avocats généraux. Les conseils d'Yvan Colonna menacent de quitter le procès si leurs contradicteurs ne leur offrent pas la garantie d'un procès équitable. Prochain objectif: lundi. Obtenir de la cour une reconstitution sur les lieux du crime. Bref, on se bat toujours avec le code de procédure pénale mais surtout on ne laisse rien passer à la partie adverse. Défense d'attaque, de contre attaque. Les 5 avocats de Colonna sont sur le qui-vive. Prêt à bondir. Prêt à l'assaut. Prêt à l'abordage.

Pendant ce temps là, deux personnes dans le prétoire observent cette guerre de tranchée. Sans intervenir. Dominique Erignac et Yvan Colonna. C'est ici leur seul point commun.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique