Fabrice Burgaud, face à ses juges, face à son instruction

Au deuxième jour de la comparution de Fabrice Burgaud devant le CSM, il faut reconnaître que la donne a légèrement changé. Si physiquement, il ne semble pas être très différent de celui qui nous était apparu devant la commission d’enquête parlementaire il y a 3ans presque jour pour jour, le magistrat semble avoir gagné en assurance. Il est vrai que l’atmosphère est aujourd’hui différente.

 

D’abord dans la grande salle d’audience de la cour de cassation, aucune caméra n’est là pour immortaliser ce moment de justice. La comparution du juge Burgaud n’est pas retransmise sur les principales chaînes de télévision. Rien à voir donc avec ce qui avait choqué plus d’un en 2006. A la fois, nos députés menaient leur enquête sous le regard des citoyens et en même temps le magistrat était jugé sur la place publique et cathodique. Ensuite, les membres du conseil qui interrogent le juge le font sans aucune animosité et sans aucun préjugé apparent. Les questions sont précises, courtes et semblent pour l'instant avoir comme seul souci, le désir de comprendre.

 

La tache du CSM est très délicate. La pression politique est très forte. On se souvient de l’intervention de Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidentielle, au lendemain de la remise du rapport de l’inspection générale des services judiciaires. Celle-ci, rappelons-le, avait considéré que si les magistrats dans leur ensemble avaient commis des erreurs, des maladresses, dues à l’inexpérience en ce qui concerne Fabrice Burgaud, cela ne justifiait en rien une procédure disciplinaire. Le futur Chef de l’Etat s’était alors insurgé. « Si je comprends bien, il y a ni responsable, ni coupable. Il n’y a que des acquittés qui ont fait trois ans de prison pour rien ». Après quoi, le Garde des Sceaux de l’époque, Pascal Clément a saisi le CSM et aujourd’hui la Chancellerie ne cache pas son intention de faire « condamner » Fabrice Burgaud. En juillet dernier, une autre formation disciplinaire du CSM n'avait rien trouvé à reprocher au procureur Gérald Lesigne. Rachida Dati l'a néanmoins forcé à changer d'affectation, ce qu'il avait d'ailleurs souhaité de ses voeux. Quand au juge d'instruction proprement dit, depuis l'annonce de Nicolas Sarkozy en janvier dernier, ses jours sont comptés. Ce matin, alors que la défense attendait des questions, la Directrice des Services Judiciaires s’est livrée à un réquisitoire avant l’heure.Visiblement, il n'est pas question de sauver le juge Burgaud. Comme l'avait d'ailleurs dit Pascal Clément, "l'opinion publique ne le comprendrait pas".

 

Habituellement, le CSM a devant lui des magistrats à qui sont reprochés en grande partie des comportements humains contraires à leur profession. Ou bien, ils se sont mal conduits à l’audience comme ce fut le cas d’un juge d’Angoulême il y a quelques années pris de tremblements suspects sous sa robe. Ou bien ils ont usé de leurs pouvoirs à des fins personnels comme ce fut également le cas d’un ex procureur qui avait utilisé une carte bancaire qui ne lui appartenait pas pour s’offrir quelques menus plaisirs dans un bar à hôtesse.

 Ici, l'enjeu est tout autre. Fabrice Burgaud est accusé d'avoir mené une mauvaise instruction. Faut-il rappeler qu'une affaire criminelle s'est aussi une succession d'actes de procédures qui va de l'enquête de police au procès en passant par des audiences devant la chambre de l'instruction? Pour sa défense, le juge rappelle que dans on cabinet de Boulognesur Mer, il avait à gérer de front 120 dossiers représentant 40 détenus. Dans ce dossier, il indique à ses juges qu'il a effectué 88 interrogatoires, 17 confrontations et 15 auditions de parties civiles.

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Dans une note du 20 janvier dernier, la Chancellerie a alourdie les charges contre le juge d'instruction, lui reprochant une accumulation de manquements "au caractère systématique voire volontaire". Ce matin, Fabrice Burgaud s'offusque de cette accusation. "Comment le juge que j'étais avec 6 mois d'ancienneté aurai-t-il pu tromper une soixantaine de magistrats dont certains avaient 30 ans de carrière ?".

Qu'un jugesoit obligé de rendre des comptes sur son travail n'a rien de choquant. On peut simplement regretter que l'instition judiciaire et le ministère de la justice ne se soient par réveiller plus tôt. Juger Burgaud, certainement. mais on pourrait dresser une liste d'affaires criminelles où les juges se sont lamentablement empêtrés dans leur dossier, à tel point que des décennies plus tard, on cherche encore le coupable.

 

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique