Idolatrée par certains, respectée par les autres au moment de sa nomination, Rachida Dati subit désormais les foudres des magistrats. Eux qui d'habitude savent manier la modération, passent désormais à l'offensive. Leur jugement est sans appel. le fossé s'agrandit de plus en plus entre les personnels de justice et leur ministre. Depuis plusieurs mois, les incidents se multiplient. Chaque dépot de projet de loi, chaque réforme présentée ont été l'objet de tension. Les peines plancher, la carte judiciaire, n'ont fait qu'aggraver les relations. Les magistrats, rejoints par les avocats, les personnels des prisons n'ont cessé de critiquer tant les textes que la méthodologie de la Garde des Sceaux.
Le 20 Octobre dernier, Rachida Dati qui décide à l'improviste de rencontrer les magistrats de Metz se retrouvent face à un mur, un boycott. Trois jours plus tard, à l'appel de nombreuses organisations syndicales de plusieurs professions de justice, magistrats, avocats, greffiers se retrouvent pour une journée d'action sur les marches des palais de justice. Le 27 octobre, l'USM est reçu à l'Elysée par le Chef de l'Etat. Les magistrats se disent plutot rassurés par l'entretien. On croyait la tension retombée. Erreur.
Lundi, ce sont 534 magistrats, de toute la France, qui ont pris leur stylo pour écrire une motion adressée à Rachida Dati. Une initiative qui n'a rien de syndicale, qui ne réunit aucune "star", aucune figure emblématique de la justice. Mais c'est justement la force de cette démarche puisqu'elle émane de magistrats de terrain. Certains sont à la cour de cassation, d'autres juge des enfants, vice-procureur, président de cour d'assises, l'un d'entre eux est même membre du cabinet à la Chancellerie. Reprochant sa réaction et celle de ses services après le suicide d'un détenu, les signataires demandent à leur Garde des Sceaux d'adresser à la substitut de Sarreguemines entendue pendant une nuit par l'Inspection Générale de Services Judiciaires, des regrets et des excuses.
Certains tenteront de minimiser cette lettre de motion qui pour d'autres s'apparentent à une motion de censure. La justice compte aujourd'hui près de 9000 magistrats. Cette fronde épistolaire peut apparaitre dérisoire face à ce chiffre. Mais à l'inverse on peut considérer que cette prise de position publique de plusieurs magistrats constituent une petite révolution. Eux si habitués à rester cloitrés dans leur tour d'ivoire, osent enfin prendre la parole.
Aussi bien à la sortie du Conseil des Ministres, que dans les couloirs du Palais Bourbon où elle se trouvait cet après-midi, R. Dati n'a pas souhaité répondre publiquement aux magistrats qui l'interpellent. Les regrets et les excuses ne sont pas pour demain. Et l'on peut parier d'ailleurs que les magistrats risquent d'attendre encore longtemps.
Dur moment pour la locataire de la place Vendôme. Dans le même temps, elle vient de perdre son directeur de cabinet. Son deuxième en 18 mois.