Yves Bertrand, un informateur malgré lui

Les cahiers à spirale d'Yves Bertrand, l'ex-directeur des Renseignements Généreux, continuent  leur petit bonhomme de chemin. Après être entrés dans le dossier "Clearstream", après avoir eu leurs bonnes feuilles publiées dans "Le Point" d'abord et désormais dans plusieurs quotidiens, ils ont maintenant leur place dans le dossier "Angolagate". A la demande de plusieurs avocats de la défense, après le dépôt de plainte de Nicolas Sarkozy, le parquet a accepté que les documents en question soient versés à la procédure du procès relatif à la vente d'armes à l'Angola. Le tribunal a donc distribué à toutes les parties au dossier un CD-Rom comprenant les 22 cahiers d'Yves Bertrand.

En début d'après-midi, alors que tous les avocats se félicitaient de ce versement de pièces, une seule robe noire faisait entendre une autre voie. Un avocat, de passage dans la salle des criés où se déroule le procès, puisqu'il n'appartient pas à la procédure en question. M° Basile Ader n'est autre que le conseil de l'auteur des fameux carnets. Aujourd'hui, il n'avait qu'une seule préoccupation. Récupérer les cahiers de son client. Autant l'original que les copies. Une démarche que son confrère Maître Pierre Haick, un des avocats d'Arcadi Gaydamak, qualifiait de "combat d'arrière-garde". "C'est un honneur de se battre contre tout le monde, ironisait-il, en ajoutant, "Yves Bertrand est piétiné, vous arrivez trop tard".

Pour justifier sa demande, M° Ader tentait de persuader le tribunal que les écritures de l'ex-haut policier, étaient des "documents personnels, intimes", "à l'image de notes que peuvent prendre pendant un procès les journalistes". L'avocat était néanmoins forcé de reconnaître que l'usage qu'en avait fait le propriétaire était à la fois personnel et professionnel. A l'argument selon lequel ses carnets étaient du domaine privé de son auteur, M° Pierre Haick faisait mouche en lui répliquant que les écritures incriminés concernaient principalement "l'intimité de la vie privée des autres". M° William Golnadel, autre avocat d'Arcadi Gaydamak, était sur la même ligne en précisant qu'Yves Bertrand y évoquait souvent son client alors qu'il ne le connaissait nullement personnellement.

M° Emmanuel Marsigny, avocat de Pierre Falcone, trouvait quant à lui curieux que celui qui pendant plusieurs années à la tête des RG avait un malin plaisir à distiller des informations à ces nombreux contacts journalistes, demandait aujourd'hui la confidentialité.

Yves Bertrand par le truchement de  son avocat essaye désormais d'éteindre un incendie qu'il a allumé lui même. Ces écrits se retrouvent dans deux dossiers dans lesquels il n'existe pas juridiquement. Pas plus dans le dossier Clearstream que dans celui des ventes d'armes à l'Angola, Yves Bertrand n'a été entendu par les policiers et encore moins par un juge. Dans le passé d'autres cahiers à spirale ont fait coulé autant d'encre qu'ils n'en contenaient. Souvenons nous par exemple des cahiers Delcroix qui ont permis à la justice de mener à bien l'instruction dite Urba Gracco contre le Part Socialiste et ses trésoriers sur son financement occulte.   

L'intéret des avocats de la défense dans le procès "Angolagate" est simple. Ils veulent y voir la preuve de ce qu'ils suspectent depuis plusieurs années, à savoir un lien étroit entre l'auteur des carnets et le juge d'instruction chargé du dossier. Pour eux, il s'agit de trouver la preuve que ce dossier n'est pas né par hasard, mais plutôt d'une relative collusion entre un policier et un magistrat et dont le but premier était de compromettre celui qui est aujourd'hui l'un des prévenus du dossier: Charles Pasqua dont il fallait stopper la carrière et les ambitions présidentielles.

Après un court délibéré, le tribunal a rejeté la demande d'Yves Bertrand. Les carnets restent dans le dossier "Angolagate". L'ancien patron des RG devient un informateur malgré lui. A l'insu de son plein gré.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique