Le procès d'Antonio Ferrara est donc déjà entré dans l'histoire judiciaire. L'audience a repris ce matin dans les conditions identiques à celles dans lesquelles elle s'était achevée vendredi soir. Sans le principal accusé et sans ses deux principaux présumés complices. Si les trois hommes ont accepté ce matin d'être extrait sans violence de leurs cellules respectives, ils n'ont en revanche pas été plus loin que le dépot du palais de justice de Paris. Fidèles à leur engagement de vendredi, ils refusent toujours de comparaitre devant leurs juges.
Le procès Ferrara se poursuit donc sans Ferrara. Cela n'est pas une première. Nous avons déjà vu dans le passé des accusés qui refusaient de comparaître dans le box. En revanche, Antonio Ferrara provoque une situation que Mme Janine Drai, la présidente de la cour d'assises, a elle même reconnu " inédite". En récusant ses avocats qui ont pourtant été commis d'office et en leur interdisant de pénétrer dans la salle d'audience, il inaugure un nouveau style de défense. On connaissait la défense taisante. Voici désormais la défense absente. Les avocats de Ferrara et de ses 2 co-accusés sont condamnés à errer dans les couloirs du palais.
Résultat, on assiste à un procès totalement amputé. L'évasion de Fresnes est désormais disséqué par les différentes parties au procès en l'absence des principaux protagonistes. Avec trois accusés en moins et non des moindres sur les 21, le procès est désormais amputé d'un septième de son contenu. Bravo la compréhension d'un dossier complexe. Le travail des jurés n'est pas facilité.
En dehors de cette anomalie judiciaire, le procès Ferrara "nouvelle formule" constitue non seulement une première mais aussi un précédent facheux. L'absence d'un avocat n'est plus un souci procédural. Mercredi dernier, en se rendant lui même dans la salle d'audience de la cour d'assises, M. Laurent Le Mesle, procureur général de la cour d'appel de Paris, avait mis les accusés et leurs avocats face à leurs responsabilités. Pour le haut magistrat, l'objectif premier était de rappeler que le procès ouvert le 2 octobre devait aller jusqu'à son terme. Il y aura de toute façon un appel.
Rappelons le. Le procès Ferrara prévu au départ pour deux mois est une énorme machine. La cour se doit de juger 21 accusés. 12 comparaissent détenus. Les autres comparaissent libre, parmi lesquels l'avocat Karim Achoui. Tous les accusés n'ont pas dans ce dossier la même stratégie de défense. Pour certains, les enjeux judiciaire et carcéral sont différents. Si certains encourent la perpétuité, d'autres poursuivis pour des délits connexes n'encourent des peines qui ne dépassent pas 5 ans.
Cette différence explique sans doute que vendredi dernier du coté des autres accusés et des autres avocats du dossier, les observateurs que nous sommes n'avont pas été témoins d'une défense unanime, solidaire. D'abord pour s'élever aux cotés de Maître Bernard Ripert sur la manière dont la présidente de la cour d'assises menerait les débats: de manière inéquitable et uniquement "à charge et à charge" pour reprendre l'expression de l'avocat. Ensuite pour s'offusquer contre l'absence dans le prétoire des avocats des trois accusés " manquants". Publiquement, seul Maître Patrick Maisonneuve a manifesté son étonnement et son hostilité à cet état de fait. Ses confrères ont bizarrement fait profil bas face à cette situation nouvelle. Comme si souvent les combats pour les grands principes de respect de la défense étaient devenus un vieux souvenir.