Le sondage qui juge les juges

L'endroit est feutré, loin de l'agitation du palais de justice. Nous sommes entre le musée Branly et une dépendance de la République Française qui en son temps hébergait la famille cachée du Président Mitterrand. C'est le siège du Conseil Supérieur de la Magistrature, organe qui a pour mission de réfléchir sur la déontologie des magistrats, qui intervient pour leur nomination, hormis celle des procureurs généraux, et qui a également une fonction disciplinaire.

Ce matin, les sages de ce Conseil conviait la presse pour présenter le résultat d'un sondage commandité auprès de l'IFOP. Trois chiffres attirent notre attention. Au hit parade des institutions, sur le baromètre de la confiance, la Justice arrive péniblement en 6 ème position, derrière les hopitaux, l'Ecole, l'Armée, la Police et la Fonction Publique. L'honneteté nous pousse à dire que les médias sont en queue de peloton.

Pour 51% des personnes sondées, les magistrats, si on reconnait leur compétence, ne sont pas indépendants du pouvoir politique. Dans le même temps, 69 % de nos concitoyens reconnaissent ne pas faire de distinction entre les fonctions de juges et de procureurs.

Ce sondage qui constitue une première de la part d'un organe comme le CSM, éclaire assez bien le fossé qui existe aujourd'hui entre les français et leur justice. Une crise de confiance mais aussi une méconnaissance de l'institution. Michel Le Pogam, l'un des membres du CSM, qui a été chargé de faire la synthèse à la fois de l'état des lieux et de se pencher sur les mesures à préconiser, classe en trois catégories les raisons de ce divorce. Primo, l'institution judiciaire est en déficit de communication. Le CSM défend ainsi l'entrée des caméras et des micros dans les salles d'audience. Secondo, les magistrats et les politiques sont en perpétuel conflit depuis bientôt 30 ans. Il faut reprendre le chemin du dialogue. Tertio, les magistrats dans leur ensemble ne se mettent pas suffisament en cause.  Les juges et les parquetiers doivent cultiver le gout du travail en commun. Vaste programme. Le sondage et le rapport d'activité du CSM sont désormais sur le bureau du Chef de l'Etat et du Garde des Sceaux. Espérons qu'il en sera fait bon usage. On ne compte plus à la Chancellerie les rapports, les bilans de commission qui prennent la poussière.

Bonus: Le CSM s'est étonné publiquement de l'annonce faite sur France 2 par Rachida Dati de la comparution en janvier prochain devant son instance disciplinaire du juge Fabrice Burgaud. Comme nous l'avions évoqué ici même, la procédure n'est pas terminée et le Premier Président de la Cour de cassation, seul habilité à le faire, n'a fixé aucune date.

Enfin, si la loi réformant l'article 65 de la Constitution relatif au CSM a bien été publié au Journal Officiel du 24 juillet dernier, la loi organique qui doit définir les modalités de son application est loin d'être terminée. La discussion bloque sur un point. La loi prévoit que le CSM pourra être saisi par un justiciable. La difficulté consiste désormais à donner une définition juridique et législatif de ce justiciable. Partie au dossier? Témoin? Association? Quidam? Dernier point à cerner. Qui au CSM sera chargé de jouer le rôle du bureau des réclamations? Bref, les esprits un peu sceptiques craignent que la loi n'entre pas en vigueur avant 2010.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique