La décision des trois juges du tribunal d'application des peines de Marseille ne surprendra personne. Jean-Marc Rouillan reste en prison. Son régime de semi-liberté dont il bénéficiait depuis décembre dernier est révoqué. Il avait été à nouveau incarcéré le 2 octobre dernier en attente de l' audience d'aujourd'hui. Cet après-midi, le délibéré n'aurait duré, selon son avocat, que dix minutes. L'ancien membre d'Action Directe a tenté de plaider lui même sa cause. Sans succès. "C'est aux journalistes qu'il ne fallait pas parler" lui répondent ce soir en substance les magistrats.
En accordant une interview à l'hebdomadaire l'Express, Rouillan s'est mis en danger. Sa semi-liberté lui avait été accordé en échange de quelques obligations. Celle entre autres de ne jamais aborder les faits pour lesquels il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Interrogé sur d'éventuels regrets sur ces actes criminels, il a répondu: "Je n'ai pas le droit de m'exprimer là dessus. Mais le fait que je ne m'exprime pas est une réponse. Car il est évident que si je crachais sur tout ce qu'on avait fait, je pourrais m'exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique".
Jean Marc Rouillan aurait du s'arrêter à la première phrase. Ce n'est pas dans son tempérament. Il a développé sa pensée. Mais surtout, il n'a pas dit ce que le journaliste et d'autres sans doute attendaient. Aucun remords. Aucun regret. Aucune compassion vis à vis des parties civiles. Rouillan est resté fidèle à lui même. Comme on l'a découvert dans le box des assises de Paris quand il avait à répondre avec Nathalie Ménignon et Joëlle Aubron des assassinats de Georges Besse et du Général Audran. Rouillan est semblable à tous les condamnés qui revendiquent dans leur box la lutte armée. Un point, c'est tout.
Poser une telle question, en connaissance de cause, en sachant les risques que l'interviewer encourait, m'interroge en tant que journaliste. C'est une interrogation que nous devons nous poser à chaque fois que nous avons devant nous un condamné en libération conditionnelle, qui n'a pas fini de purger sa peine et qui n'a donc pas une liberté totale de parole. Nathalie Ménignon, autre membre d'AD, est astreinte à la même obligation. C'est le cas par exemple de Jean Marc Deperrois, condamné dans l'affaire de la "Josacine empoisonnée". Ce fut aussi celui de Lucien Léger, le "plus vieux prisonnier" de France, récemment décédé.
C'est la loi. Et aussi une question de morale. Les condamnés sont priés de se faire oublier. D'abord par respect pour les victimes. Dans une interview récente au Figaro, Mme Françoise Besse, veuve du PDG de Renault, déclarait. "Je n'ai aucun débat à mener avec Jean-Marc Rouillan, il n'est pas mon interlocuteur. A tout jamais, il reste l'assassin de mon mari. Je n'ai pas à discuter avec lui."
Jean-Marc Rouillan pouvait espérer une libération conditionnelle en fin d'année. La révocation du régime de semi-liberté anéantit cette échéance.
Joëlle Aubron est décédée en mars 2006. Elle avait bénéficié d'une libération conditionnelle compte tenu de son état de santé. Nathalie Ménignon est en semi-liberté depuis plus d'un an. Georges Cipriani, qui a été interné plusieurs fois, est toujours en détention. Rouillan, lui, était secrétaire de rédaction chez un éditeur marseillais. Il a décidé de faire appel. L'affaire sera examinée à Paris dans le mois et demi qui vient. On voit difficilement les juges parisiens contredire ceux de Marseille.