Une décision de justice, c'est toujours un moment fort. Le sentiment est encore plus impressionnant quand il est rendu dans des lieux marqués d'une grande solennité. En début d'après midi, la chambre criminelle a rendu son arrêt sur le pourvoi en cassation formé par Maurice Agnelet. Dans la salle d'audience, nous sommes une dizaine de journalistes à attendre que les juges rendent publiquement leur décision. Un seul avocat est présent à nos cotés: Maître Hervé Témime qui défendait les intérets de la partie civile lors du second procès à Aix.
Nous sommes tous suspendus aux lèvres du Président Pelletier. Si le pourvoi est accepté, Agnelet a droit à un troisième procès. Si il est rejeté, c'est le point final d'une histoire qui a débuté voilà bientot 31 ans. Moment magique et effroyable à la fois, où tout peut basculer, dans un sens ou dans l'autre. La voix du magistrat est à peine audible. Il ne lit pas le dispositif juridique qui a amené la cour à trancher. Il lache simplement un "le pourvoi est rejeté". C'est fini. Cela a duré à peine 30 secondes. Les journalistes se lèvent comme un seul homme. Nous quittons aussitôt la salle. Nous avons l'impression d'être de trop dans cette atmosphère ouatée, feutrée.
Les fils du condamné sont absents. Le frère d'Agnès Le Roux arrive en retard. Il n'a même pas le temps d'entrer dans la salle. Je le croise dans le couloir. Il est au téléphone avec sa mère. Je lui annonce la décision. Mes confrères ne lui laissent même pas le temps de respirer et lui demandent à chaud sa réaction. " C'est un immense soulagement pour ma mère". L'avocat de Maurice Agnelet arrive à son tour. Sans avoir assisté à cette très courte audience, sans avoir pris connaissance des attendus de l'arrêt, il s'exprime devant les caméras. Il annonce que le combat va continuer. La défense va se tourner vers la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Elle va tenter d'obtenir de Strasbourg ce que la cour de cassation vient de lui refuser. A savoir, selon M° Bouthors, que la cour d'assises des Bouches du Rhone a manqué d'impartialité vis à vis de Maurice Agnelet.
Dans sa cellule, que pense Maurice Agnelet? Lui si soulagé au lendemain du verdict niçois qui l'avait acquitté. Il est désormais définitivement coupable d'un crime qu'il a toujours nié.
Dans son petit studio de Monaco, à quoi pense Renée Le Roux? A toutes ses années de combat, à toute cette énergie déployée contre une justice laborieuse.
30 secondes qui pour les proches de Maurice Agnelet comme pour la famille Le Roux ne peuvent pas faire oublier 30 ans d'une existence à la recherche de la vérité.