Le procès des ventes d'armes à l'Angola respecte la tradition des affaires de délinquance en col blanc. Tous les prévenus lorsqu'ils se dirigent vers la barre, affichent une tranquille sérénité, font preuve de beaucoup d'égard à l'encontre du tribunal. Ils usent et abusent de formules de politesse. "Excusez moi, Monsieur le Président". "J'ai du me faire mal comprendre, Monsieur le Procureur". "Je ferais tout pour répondre le plus précisément à vos questions". Bref de bons élèves devant leurs professeurs, devant leurs juges. Dans le même temps, les avocats de la défense, comme ce fut encore le cas aujourd'hui, tentent de faire capoter le procès. Ils créent des incidents. Ils créent un rapport de force avec le tribunal.
Pierre Falcone, l'un des deux principaux protagonistes de l'affaire, déjà condamné dans d'autres dossiers, repète à l'envie au Président Jean Baptiste Parlos que répondre aux questions devient pour lui cornélien. "Je me sens dans une situation impossible. Je suis tenu par un mandat et je suis tenu de le respecter. Je suis astreint au secret défense" poursuit-il. Falcone évoque là à la fois son statut d'ambassadeur de l'Angola devant l'Unesco et la volonté de son mandant. Au début du procès lundi dernier, l'avocat du pays africain s'est opposé à la discussion publique de tout ce qui touche de près ou de loin les intérets souverains de la Défense angolaise. Un cercle infernal. Alors que le procureur lui rappelle que lors de l'instruction, il avait été plus bavard et jamais évoqué le secret défense, Pierre Falcone rétorque qu'il pensait alors que le secret de l'instruction offrait à ses déclarations une certaine clandestinité. " A aucun moment, je n'ai pensé que cela serait débattu en audience publique".
Quant à Jean Christophe Mitterrand, il persiste et signe. Dans ces contacts avec Falcone et Gaydamak, il n'a entendu parler que "d'aide humanitaire, d'aide alimentaire". Il concède qu'en sa présence, il a été évoqué l'envoi de munitions. "Mais jamais d'armes". Pour le fils de l'ancien Président de la République, Arcadi Gaydamak était à la tête d'une chaîne de supermarchés à Moscou.
On l'aura compris, c'est un dialogue de sourds qui s'instaure dans la chambre des criées où les 42 prévenus ont pris place. D'un coté, une opération commerciale sur fond d'altruisme. De l'autre, un vaste trafic d'armes bien enrichissant.
Question insidieuse du Président Parlos à Pierre Falcone et à Jean Christophe Mitterrand: Combien de morts a fait la guerre civile en Angola? Entre 300 000 et 500 000.