Elle aurait pu rester directrice d'un magasin de mode. Le sort en a décidé autrement. Le 23 décembre 83, Françoise Rudetski dîne au restaurant "Le Grand Véfour" sous les arcades du Palais Royal. C'est une surprise que lui fait son époux pour leurs 10 ans de mariage. Une bombe placée sous une banquette va interrompre la fête. Elle est blessée aux jambes. Une très longue hospitalisation, de nombreuses opérations et un courage surhumain lui permettront de continuer à vivre. Deux ans plus tard, elle met ce courage au service d'une noble cause. Elle crée "SOS attentats". Une association qui va se battre pour aider psychologiquement les victimes, les aider dans les méandres judiciaires. La tache est ardue et malheureusement les dossiers ne vont manquer: rue des rosiers, attentats de Paris de 85 et 95, le DC 10 UTA en septembre 89.
Assistée successivement de M° Chanson, M° Szpiner et M° Holleaux, elle va mettre la pression auprès des juges anti terroristes pour que les dossiers avancent et que les auteurs présumés soient jugés. Ainsi des procès ont pu avoir lieu, et ce malgré la raison d'Etat qui ralentit les procédures. Les victimes, les nombreuses parties civiles ont ainsi pu venir à la barre dire leur souffrance, leurs traumatismes, leur incompréhension. Quelque soit le procès, quelque soit l'accusé de Fouad Ali Saleh à Boualem Bensaid en passant par Rachid Ramda leurs interrogations ont toujours été la même: "Pourquoi?" Sans obtenir pour autant de réponse.
Samedi, l'association a voté son auto-dissolution. Le bilan est positif. Le sentiment d'avoir répondu à l'attente des victimes. La satisfaction d'avoir emmené les dossiers d'indemnisation à leur terme. Mais le constat est amère. Pendant 23 ans, Françoise Rudetzi, qui incarne "SOS Attentats" a été la voie des familles endeuillées, blessées. Mais une voie que certains de nos dirigeants semblent ne plus vouloir entendre. Depuis plusieurs mois, Françoise Rudetzki tirait le signal d'alarme. Certes, le sol français n'a pas été touché par un acte terroriste depuis décembre 96, mais des ressortissants français ont été tué ou blessé par des bombes à l'étranger. Il convient, selon l'association, de mettre sur pied une infrastucture plus adaptée face à des menaces d'un autre ordre: chimiques ou bactériologiques. Le petit bureau qu'occupe "SOS Attentats" aux Invalides est en décalage total avec la réalité du terrain.
Françoise Rudetski s'en est émue auprès des ministères concernés. Elle a écrit au Président de la République. Elle n'a pas eu de réponse.
Le 19 septembre 2007, jour anniversaire de l'attentat du DC 10 d'UTA, N. Sarkozy s'était rendu à la cérémonie à la mémoire des victimes du terrorisme. Le Chef de l'Etat avait défendu sa position sur le nucléaire civil pour des pays comme la Libye. "Il nous faut accompagner des Etats qui furent terroristes dans la direction de la repentance" avait-il dit. Le 13 décembre, le Chef de l'Etat avait recu les familles des victimes de cet attentat alors que le Colonel Kadhafi était en visite en France. Françoise Rudetski avait jugé cette visite libyenne "inopportune". En septembre 1999, la cour d'assises spéciales de Paris a condamné par contumace-c'est à dire en leur absence-six ressortissants libyens. Parmi lesquels le beau frère du colonel. Aujoud'hui les mandats internationaux courent toujours.
Aujourd'hui, Françoise Rudetski raccroche. Elle a consacré 23 ans de sa vie aux autres, à ses semblables, à ses frères et soeurs de douleur.
25 ans après l'attentat dont elle a été victime, elle ne sait rien de ses auteurs, de leurs motivations. Le dossier a été conclu par un non-lieu. Comme si tout cela n'avait jamais existé.