L'énigme du scooter

A l'heure où le Chef de l'Etat s'exprimait sous les dorures du Palais de l'Elysée, son fils cadet était assis inconfortablement sur le banc des prévenus au Palais de Justice de Paris. Alors que le premier plaidait à la tribune ce qui serait à ses yeux la télévision publique idéale à partir de 2009, le second essayait de plaider sa cause dans un dossier qui nous ramène à 2005. Le 14 octobre de cette année là, place de la Concorde, un accrochage-comme il en arrive tous les jours dans la circulation parisienne-serait intervenu entre une BMW et un scooter. L'affaire aurait pu se régler à l'amiable. Elle se termine devant la X ème Chambre Correctionnelle.

Et cet accrochage devient un mystère, une énigme. D'un coté le conducteur de la BMW. Aujourd'hui sans profession, M'Hamed Bellouti évoque à la barre ce "boom" qu'il entend à l'arrière de son véhicule et l'image qu'il garde d'un scooter le doublant avant de prendre la fuite. De l'autre coté de la barre, le conducteur du 2 roues. Actuellement en 2 ème année de Droit, nouvellement élu au Conseil Général des Hauts de Seine, récemment fiancé comme il rappelle lui même au tribunal, Jean Sarkozy a non seulement aucun souvenir de cet accident mais déclare que ce jour là et qu'à cette heure là, il était probablement en cours.

Et pour pimenter le tout, un expert diligenté par le tribunal qui met en doute la réalité du choc. Ainsi la justice qui en était à sa troisième audience en moins de 8 mois est donc saisie d'un accident qui n'a pas existé, avec comme seul indice une plaque d'immatriculation qui conduit au fils de celui qui est alors Ministre de l'Intérieur.

Résultat, une audience surréaliste qui va durer quatre heures. Un président de Chambre qui, chose assez rare, laisse l'un de ses assesseurs interroger les parties, conservant seulement la police de l'audience. Un procureur qui va mettre moins de dix minutes pour dire qu'il n'y a rien dans le dossier et inviter "le tribunal à en tirer les conséquences", sans prononcer le terme de relaxe.

Insoutenable suspence. Le tribunal s'est donné trois mois pour délibérer.

Sur le banc de la presse, nous étions, il est vrai, très nombreux hier pour ce qui reste un banal accrochage. C'est aussi le procès type que les chroniqueurs judiciaires rêveraient de voir diffuser sur une chaine de télévision, publique ou pas.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique