Aujourd'hui, 11 novembre, le Président de la République s'est rendu sur le plateau de Notre Dame de Lorette, dans le Pas-de-Calais, afin d'inaugurer "l'anneau de mémoire", mémorial sur lequel ont été inscrits, sans distinction de nationalité ni de grade, les noms de 580000 combattants tués entre 1914 et 1918, et de rendre ainsi hommage aux millions de morts emportés par la Grande Guerre.
Manifestement plus soucieux de promotion d'un message politique sans lien avec la cérémonie que de devoir de mémoire, M. Van Hemelryck, fondateur du mouvement "Hollande démission", a choisi de survoler le site du mémorial aux commandes d'un avion de tourisme équipé d'une banderole mentionnant l'adresse du site internet éponyme avant l'inauguration, non sans avoir pris soin d'annoncer son action sur Twitter et de prier ses abonnés de lui donner le plus grand retentissement possible.
Il a ensuite été appréhendé et ramené au sol par deux hélicoptères militaires, avant de se plier (de mauvaise grâce, à la lecture de ses tweets) à un contrôle d'identité puis de... rejoindre le plateau de "C à vous" (France 5) pour revendiquer un comportement qu'il a qualifié de "citoyen", affirmant avoir ainsi "fait honneur" à la mémoire des anciens tombés pour la France. "J'ai risqué ma vie, moi aussi, pour défendre la liberté" n'a pas hésité à asséner ce diplômé de l’École Polytechnique dont on pourrait s'attendre à ce qu'il soit capable de distinguer la participation à des opérations militaires meurtrières d'un survol de zone interdite en avion de tourisme et en temps de paix.
A l'évidence, non, M. Van Hemelryck ne risquait nullement d'être abattu en vol par les aéronefs de l'armée durant son coup d'éclat, si l'on prend en considération qu'il semble avoir obtempéré aux sommations effectuées par la gendarmerie sans adopter de comportement menaçant. Ce qu'il encourt est finalement bien plus prosaïque : l'article L-6232-2 du code des transports réprime en effet d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, pour un pilote, de s'engager ou de se maintenir au-dessus d'une zone du territoire français en violation d'une interdiction prononcée dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article L. 6211-4. Des peines moindres viennent réprimer le survol dû à la maladresse ou à la négligence, mais on ne peut s'empêcher d'observer que les tweets revendicateurs de M. Van Hemelryck laissent peu de place à une telle hypothèse.
La zone de Notre-Dame-de-Lorette a bien été temporairement interdite au survol en vertu d'un arrêté du 30 octobre 2014 conjointement pris par les ministres de la défense et de l'écologie en vue d'assurer la sécurité de la cérémonie d'inauguration et d'hommage. Je ne dispose pas des compétences cartographiques nécessaires pour certifier que M. Van Hemelryck ait effectivement pénétré dans l'espace aérien précisément déterminé comme interdit dans le créneau horaire concerné, mais si les forces de gendarmerie l'ont interpellé avant qu'il ne consomme effectivement son action, il pourra à tout le moins leur adresser ses remerciements pour lui avoir fait éviter un passage devant une juridiction pénale tout en lui ayant permis d'agrémenter son compte Twitter de jolies photos de fusils d'assaut (au moyen desquels l'avion ramené au sol a été prémuni d'un redécollage intempestif) et d'uniformes de la maréchaussée. Dans le cas contraire, nul doute qu'il saura se servir d'éventuelles poursuites comme d'une tribune pour son mouvement - lequel vise, tout respect "citoyen" des institutions bu, à obtenir la démission de M. Hollande.
L'outrage moral à la mémoire de ceux qui, eux, ont réellement risqué et donné leur vie pour que M. Van Hemelryck ait la liberté, une centaine d'années plus tard, de baguenauder d'aérodromes en plateaux télé restera, lui, impuni.